Nucléaire: l’Iran continue d’inquiéter la communauté internationale
L’Iran est de nouveau sur la sellette pour ses activités nucléaires: les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ont constaté un accroissement important de son stock d’uranium enrichi et ils se sont vus refuser l’accès à deux sites qu’ils souhaitaient vérifier.
Ces nouveaux développements laissent augurer de débats tendus au Conseil des gouverneurs de l’agence onusienne qui se réunit toute la semaine à Vienne.
– Quelles limites a franchi Téhéran?
D’importantes bornes fixées par l’accord de 2015 entre l’Iran et les grandes puissances (JCPOA) ont sauté. Téhéran a lancé le processus d’enrichissement d’uranium dans ses centrifugeuses avancées récemment installées, repris le processus d’enrichissement dans l’usine souterraine de Fordo et dépassé le taux d’enrichissement autorisé, fixé à 3,67%.
La République islamique entend ainsi répliquer aux Etats-Unis de Donald Trump qui se sont unilatéralement retirés, en 2018, de cet accord historique visant à l’empêcher de se doter de l’arme atomique.
Conséquence de cette intensification du programme nucléaire iranien, le stock d’uranium faiblement enrichi de l’Iran, de 1.020,9 kilos, est désormais cinq fois supérieur au seuil autorisé, selon le rapport de l’AIEA daté du 3 mars.
En revanche, alors que Téhéran avait annoncé le 5 janvier la fin de toute restriction sur son programme nucléaire, et notamment la levée des limitations du nombre de centrifugeuses, aucun changement notable dans ses installations n’a été constaté depuis cette date, selon ce rapport et des diplomates interrogés par l’AFP.
– Pourquoi surveiller la quantité d’uranium?
La quantité autorisée n’a pas été fixée au hasard. C’est le résultat d’un calcul précis destiné à définir le « breakout time », c’est-à-dire le temps qu’il faudrait en théorie à l’Iran, avec une limite de 5.060 centrifugeuses, pour obtenir le matériau destiné à une bombe nucléaire.
Avec l’accord de Vienne, ce délai était d’environ un an.
L’accroissement du stock d’uranium faiblement enrichi dont dispose l’Iran constitue un « importante préoccupation », explique un diplomate. Il réduit le « breakout time » à quelques mois selon les experts.
Mais accumuler l’uranium ne suffit pas; il faut aussi l’enrichir à un taux de 90% pour qu’il soit utilisable à des fins militaires.
A ce stade, Téhéran n’a pas dépassé le taux d’enrichissement de 4,5%. « On n’est pas encore dans une zone d’alerte rouge », note l’ancien ambassadeur de France en Iran, François Nicoullaud.
Le régime iranien a toujours nié vouloir se doter de la bombe. Le stock actuel d’uranium est bien inférieur à ce qu’il était avant le JCPOA.
– Pourquoi le refus de deux inspections?
Démarche singulière depuis la signature de l’accord, l’Iran a refusé en janvier des inspections sur deux sites que souhaitait vérifier l’AIEA.
Le nouveau patron de l’agence, Rafaël Mariano Grossi, a « tiré la sonnette d’alarme » et demandé plus de transparence à l’Iran.
Ces deux sites n’ont cependant pas de lien avec les activités actuelles de l’Iran. Selon plusieurs sources diplomatiques, ils ont trait aux projets nucléaires militaires du pays dans les années 2000.
Les deux sites inaccessibles comptent parmi un total de trois positions liées à l’hypothèse de « matériel nucléaire et d’activités nucléaires non déclarés », selon l’agence.
« L’AIEA est une agence technique et elle a l’obligation de tirer au clair ces présomptions » car, en tant qu’Etat signataire du Traité de non prolifération (TNP), l’Iran doit signaler tous les sites contenant du matériel nucléaire, remarque François Nicoullaud.
Téhéran a cependant vertement répliqué en jugeant ces réclamations illégitimes et téléguidées par Israël et les Etats-Unis.
Israël affirme disposer d’archives iraniennes prouvant que la République islamique a dissimulé, dans les années 2000, des sites de fabrication d’armes nucléaires.
Sur le volet de ses activités nucléaires actuelles, l’Iran collabore en revanche sans difficulté avec les inspecteur de l’AIEA qui ont accès à tous les sites nécessaires.
– Qu’en pensent les grandes puissances?
Indépendamment de cette affaire, Paris, Londres et Berlin ont déclenché le 14 janvier le mécanisme de règlement des différends (MRD) prévu dans l’accord de 2015 afin de contraindre Téhéran à revenir au respect de ses engagements.
Les trois Etats de l’Union européenne sont, avec la Chine et la Russie, parties à l’accord de Vienne.
A terme, l’absence de conciliation peut mener au rétablissement par le Conseil de sécurité de l’ONU de toutes les sanctions qui avaient été levées après la signature du JCPOA, mais les Européens assurent que tel n’est pas leur objectif.
Une première réunion s’est tenue fin février pour lancer cette conciliation. Plusieurs source diplomatiques assurent qu’il n’y a pas de date butoir et que les négociateurs prendront le temps nécessaire.