Mains d’œuvres oui , immigrés non… Une impasse française !
Malgré la grande polémique qui menace d’enflammer les relations entre la France et l’Italie sur l’accueil des immigrés qui empruntent la Méditerranée, il est une réalité qui commence à faire du bruit : la France et son économie ont besoin de mains d’œuvres étrangères et donc d’immigrés.
Quelles que soient les polémiques qui accompagnent la nouvelle loi immigration que le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin compte proposer au vote du parlement dans les semaines à venir, une seule idée, se faufile entre les lignes, travaille les esprits et alimente les débats.
En proposant une régularisation massive qui ne veut pas dire son nom aux immigrés clandestins qui travaillent dans des secteurs clés de l’économie française, le gouvernement reconnaît officiellement que cette économie a toujours besoin de mains d’œuvre étrangère pour continuer à fonctionner, contrairement à l’idée généralement admise selon laquelle le marché de travail français serait sous tension et ne peut absorber aucun type de mains d’oeuvre étrangères.
Il est vrai que la communication du gouvernement limite cette offre de régularisation aux secteurs dit sous tension comme le bâtiment et la restauration, mais d’autres secteurs non moins vitaux, sinon plus, comme les hôpitaux et le secteur de la santé en général, dépendent largement de cette main d’œuvre étrangère comme l’a révélé au grand jour la pandémie Covid 19.
Qu’importe les détails dans ce débat, l’essentiel est qu’il installe, chiffres et aveux officiels à l’appui, une nouvelle perception, voire une nouvelle réalité de l’immigration en France. Ironie de l’histoire, elle contredit ouvertement et de plein fouet le débat général sur l’immigration en France et qui configure depuis des années la vie politique française, assurant un essor continu de l’extrême droite qui a vu son icône Marine Le Pen arriver au second tour de la présidentielle deux élections de suite et un homme aux idées radicales et pyromanes comme Eric Zemmour gagner un énorme succès d’estime.
Le Français des zones rurales, comme le Français des villes, a été matraqué pendant des années que l’immigré est un danger pour sa sécurité économique et sociale. Si la France vit une crise aussi aiguë et aussi existentielle, ça serait selon cette logique la faute à ses immigrés qui viennent prendre le pain et le travail des Français .
Matraqués par de telles fausses analyses, certains français commençaient à dire à haute voix que leur salut ne viendrait que par une expulsion massive de ces immigrés. D’où le succès médiatique qu’avait réalisé la banalisation de la théorie du grand remplacement par l’ex journaliste et ex candidat à la présidentielle, Eric Zemmour.
Ce que fait le gouvernement aujourd’hui à travers les propositions de Gérald Darmanin équivaut à jeter de l’eau glaciale sur des braises enflammées. Le ministre et derrière lui le gouvernement d’Elisabeth Borne et Emmanuel Macron ne le font pas par opportunisme politique. Mais les réalités du marché et la sociologie du monde du travail imposent des réalités qui peuvent s’avérer contradictoires avec les discours et les atmosphères politiques .
Une des réalités qui aide le gouvernement à secouer le cocotier est le constat fait par l’agence nationale pour l’emploi de l’existence de centaines de milliers d’offres d’emploi, impossible à pourvoir par des millions de français inscrits sur liste des chômeurs.
Cette prise de conscience gouvernementale que l’économie française a un besoin vital de la main d’œuvre étrangère a été accentuée par la pandémie du Covid qui a joué comme un effet révélateur des tares et des besoins du marché du travail français. Ses besoins dépassent largement des secteurs saisonniers, comme l’agriculture, pour toucher des secteurs beaucoup plus structurants et dont dépend la relance de l’économie française .
Une fois cet aveu validé par les médias, il reste à savoir quelles conséquences politiques sur les discours de personnalités et de forces politiques qui ont bâti leur crédibilité sur une forme de xénophobie institutionnelle qui fait de l’immigré la source de tous les maux alors que le gouvernement le reconnaît comme une pièce maîtresse et incontournable dans la relance, voire la survie même de certains secteurs de l’économie française .
L’opposition de droite s’est déjà indignée de voir Emmanuel Macron tenter une double challenge dans ses stratégie de conviction : celle de pouvoir établir un lien structurel entre délinquance et immigration et celle d’ouvrir les portes à une régulation massive sur le modèle qu’avait pratiqué l’ancien président socialiste François Mitterrand au début des années 80 du siècle dernier.
Cette réaction augure un débat enflammé au parlement lorsque ce projet de loi sera proposé à la la discussion et au vote. Il y a des certitudes que le Rassemblement National de Marine Le Pen vote contre, de fortes chances que Les Républicains le bloquent pour éviter ce qu’ils nomment l’appel d’air qu’il installe auprès de tous les candidats à l’immigration. Quand a l’alliance de gauche, ses propositions d’amendements sont telles qu’il lui sera impossible de voter le texte de Gérald Darmanin dans sa version brute. Voici donc une nouvelle impasse qui attend le gouvernement au Palais Bourbon où sa majorité absolue n’est qu’un lointain souvenir.