L’heure du procès pour François Fillon, trois ans après le « Penelopegate »

Trois ans après l’éclatement de l’affaire qui avait pulvérisé la campagne présidentielle de François Fillon, voici le temps du procès: l’ex-Premier ministre, son épouse Penelope et son ancien suppléant sont attendus lundi au tribunal de Paris pour répondre des soupçons d’emplois fictifs de Mme Fillon.

Les trois prévenus, qui doivent comparaître jusqu’au 11 mars, encourent dix ans d’emprisonnement, de lourdes amendes et des peines d’inéligibilité. Leurs avocats plaideront la relaxe.

Le procès s’annonce aussi retentissant que fut la chute du candidat de la droite, chantre de l’intégrité auquel l’Elysée semblait promis, finalement éliminé au soir du premier tour.

Il pourrait toutefois connaître un faux départ, en raison d’une demande de renvoi de cette seule première journée formulée par la défense en soutien à la grève des avocats contre la réforme de leur régime autonome de retraite.

La 32e chambre correctionnelle, présidée par Nathalie Gavarino, examinera cette demande dès l’ouverture de l’audience, à 13H30. Si elle est acceptée, les débats débuteront plus tard dans la semaine.

François Fillon, 65 ans, a quitté la politique sur son échec cuisant, le 23 avril 2017. Reconverti dans la finance, il assure que « les preuves » de la réalité du travail de son épouse « seront apportées durant le procès ».

La justice s’était saisie le jour même des premières révélations d’une longue série, le 25 janvier 2017 dans le Canard enchaîné.

Les juges d’instruction, qui ont enquêté pendant plus de deux ans, ont acquis la conviction que Penelope Fillon, 64 ans, avait bénéficié d’emplois « fictifs » d’assistante parlementaire auprès de son mari député et de son suppléant dans la Sarthe Marc Joulaud.

Une partie des accusations de détournement de fonds publics, complicité ou recel, qui remontent à 1981, sont prescrites. Sur la seule période 1998-2013, plus d’un million d’euros d’argent public ont été « détournés », estiment les enquêteurs.

Les Fillon sont également poursuivis pour recel et complicité d’abus de biens sociaux, pour l’emploi de « conseiller littéraire » obtenu par Mme Fillon à la Revue des deux mondes de Marc Ladreit de Lacharrière, ami de François Fillon, payé 135.000 euros entre 2012 et 2013.

Un emploi « de pure complaisance, sans contrepartie réelle » selon l’accusation, pour lequel le milliardaire a été condamné pour abus de biens sociaux au terme d’une procédure distincte de « plaider-coupable ».

« Première collaboratrice »

Depuis le début de l’affaire, François Fillon a constamment défendu le travail de sa discrète épouse, sa « première et plus importante collaboratrice » dans la Sarthe, dénonçant une enquête « à charge ».

La pratique des emplois familiaux, interdite dans le sillage du « Penelopegate », était alors légale et répandue. Mais les enquêteurs lancés sur la piste des emplois de Mme Fillon n’ont guère trouvé de témoignages ou d’archives démontrant qu’elle avait réellement travaillé.

Ils n’ont pas davantage été convaincus par les nombreuses pièces versées par la défense afin d’attester du travail accompli: des documents « destinés à faire masse », qui ne « démontrent rien », ont-ils estimé.

Pour eux, les activités de Penelope Fillon auprès de son député de mari n’allaient pas au-delà du « rôle social joué de manière assez traditionnelle par les conjoints d’hommes ou femmes politiques ». Et le travail de Mme Fillon auprès de Marc Joulaud entre 2002 et 2007 avait « moins de consistance encore ».

La défense considère pour sa part que nombre de témoins interrogés ne sont pas pertinents et que les documents fournis ont été trop vite « balayés ».

Les avocats du couple Fillon et de Marc Joulaud, 52 ans et candidat à sa réélection à la mairie de Sablé-sur-Sarthe, devraient notamment insister sur les spécificités du travail d’assistant parlementaire, qui peut recouvrer des réalités très différentes d’un député à l’autre.

Les époux Fillon se voient aussi reprocher des « emplois de complaisance » accordés à deux de leurs enfants lorsque François Fillon était sénateur, et M. Fillon la non-déclaration d’un prêt de M. Lacharrière.

Seule partie civile au procès, l’Assemblée nationale demande « le remboursement des sommes versées au titre de rémunérations, si jamais la juridiction considère que l’emploi est fictif », selon son avocat Yves Claisse. Soit, le cas échéant, plus d’un million d’euros de dommages et intérêts.

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