La quatrième journée de mobilisation nationale contre la réforme du régime de retraites a douché les espoirs du gouvernement d’Elisabeth Borne et du président Emmanuel Macron de voir la contestation populaire baisser de régime et perdre en ampleur. Bien contraire, les français sont descendus en masse et leur message de refus est des plus nettes et des plus déterminés.
Pour Emmanuel Macron, l’étau se resserre. Peut-il continuer d’ignorer ce mouvement populaire qui refuse sa réforme et continuer à gouverner comme si de ne rien n’était ? Peut-il courir le risque d’installer la France dans une crise durable avec cette posture de défi lancée et assumée de manière presque unanime par les centrales syndicales et les partis d’opposition à son égard pour le restant de son second mandat ?
Pour tenter de convaincre, Macron, son gouvernement et ses communicants plaident l’urgence absolue. Leur slogan : la réforme ou la faillite vise à haranguer les hésitants, notamment ceux parmi les députés qui vont avoir à discuter et à voter cette réforme.
D’ailleurs, caractéristique particulière qui marque cette séquence. Au moment où les français exhibent leurs colères dans la rue avec autant de force , le débat parlementaire fait rage. Les oppositions d’extrême droite comme de gauche déploient leurs capacités de dissuasion pour convaincre du mauvais fondement et de l’iniquité de cette réforme. Le pugilat est presque quotidien et les attaques contre le gouvernement font un dégât certain, surtout quand la plaidoirie gouvernementale peine à convaincre et sortir d’une position défensive de plus en plus difficile à tenir.
La situation est telle que les deux partenaires de cette crise sociale ont deux stratégies totalement opposées. Chacun va tenter de jouer sur le temps et l’usure avec l’espoir que cela finira par plier l’adversaire.
Pour Emmanuel Macron, il faut continuer à expliquer et à endosser une démarche pédagogique pour que les français puissent en fin se rendre compte de la gravité de la situation. Parallèlement à cette mission de communication, Emmanuel Macron se livre aussi à un exercice inédit pour lui, celui de devoir séduire un groupe parlementaire spécifique pour l’intégrer à sa majorité parlementaire.
En ligne de mire, les députés du Parti Les républicains, le seul parti de droite et dit « d’opposition » qui soutient cette réforme. Mais là aussi, la mission n’est pas facile. « Les républicains » ne sont pas tous d’accord pour accorder leur soutien à Emmanuel Macron. Ils se trouvent parmi eux des personnalités qui rêvent d’en découdre avec le président de la république qu’ils accusent d’avoir capté leurs héritages politiques et leurs ressources humaines et participé à ce que la droite classique soit aussi marginalisée et si peu représentée dans le débat public.
Pour les centrales syndicales, cette quatrième journée nationale a été vécue comme le signal d’une possible escalade si le gouvernent ne recule pas sur cette contestable réforme. Elles menacent d’adopter une stratégie encore plus radicale que celle qui consiste à demander aux français de sortir manifester dans la rue.
Une stratégie à double tranchants. Mener des actions qui bloquent la dynamique économique du pays. Cela pourrait provoquer des pénuries. Et inscrire le principe de la grève reconductible dans leurs actions syndicales, ce qui pourrait provoquer des paralysies qui rappellent les heures noires des grèves dures des années 90 et 2000 et qui avaient fini par obliger les gouvernements de l’époque à retirer les projets de réforme, refusés et contestés par les français.
Emmanuel Macron est dans une situation politique très peu enviable. Il ne peut maintenir coûte que coûte cette réforme sous peine de provoquer de profondes fissures avec une opinion et une classe politique qui la refuse de toutes ses forces. Et il ne peut la retirer sous peine d’apparaître comme le président qui recule devant la pression de la rue et qui montre par là une incapacité chronique à réformer la France contrairement à ses nombreuses promesses électorales.
Dans les deux scénarios, la physionomie de son second mandat sera marquée. Soit par un passage en force avec les dégâts politiques que cela entraîne, surtout que l’opposition des français face à cette réforme des retraites sera décuplée à leurs colères de plus en plus sourde face à la baisse de leur pourvoir d’achat. Soit une capitulation politique qui signera la fin de sa fibre réformiste et la victoire des oppositions syndicales et politiques, avec tout ce que cela implique sur une gouvernance impuissante, voire empêchée sur ce qui reste du second mandat.