Les bouquinistes, ces vendeurs du livre rare qui nous font plonger dans d’autres temps
Rabat, Casablanca, Marrakech, Fès, Meknès..Toutes les grandes villes ont leurs bouquinistes qui exhibent de vieux livres jetés pêle-mêle, à des prix sacrifiés, dans le but d’instiller en nous l’amour de la lecture malgré la crise sanitaire. Qui sont ces marchands de rêve, ces commerçants du bouquin rare ? Que vendent- ils au juste ? Comment détiennent-ils cette magie de guider le visiteur à toucher les couvertures usées par le temps et à humer l’odeur du vieux papier, une sensation vivace qui le fait plonger dans d’autres temps où la lecture avait toute sa place ?
Tous ou presque sont là : Baudelaire, Hugo, Shakespeare, Wordsworth, Al Motanabbi… Des écrivains et poètes, qui ont décrit la vie à l’ancienne, les mœurs de leurs époques, sont exposés aux regards des passants ou clients à la recherche de cet objet rare et merveilleux qui résume toutes les histoires et les civilisations du monde.
Il suffit de flâner dans certaines ruelles animées de nos grandes villes pour tomber sur ces bouquinistes qui vous proposent un large choix de plusieurs milliers de livres d’occasion, au format livre de poche, grand format, bande dessinée, beau livre mais aussi des livres anciens et plus contemporains.
Toujours en fuyant dans ces trésors culturels, le lecteur se heurte à des manuscrits arabes, des livres d’histoire, de philosophie et des sciences sociales, témoins d’une période en pleine ébullition.
Ils sont là et bien présents dans notre esprit ces compagnons de notre enfance, ‘’Iqrae’’ et ‘’Bien lire et comprendre’’, manuels scolaires et autres qui attestent d’une génération éduquée dans l’amour du livre, avant l’avènement de l’internet et de la télévision numérique.
Exposés par terre, dictionnaires, encyclopédies, ouvrages d’art ou des essais et des romans d’écrivains tels Maalouf, Driss Chraïbi, Mouloud Feraoun, ainsi que des livres de poche et des publications récentes.
D’où viennent ces tas de livres ? Quelle main a pu se débarrasser sans regret de ces trésors ?. ‘’Notre clientèle se compose de toutes les catégories de population : professeurs, étudiants, artistes, retraités, estime Rachid, marchand de livres anciens dans le quartier très populaire de Bab Jdid à Meknès.
‘’Je reçois la plupart de mes livres de leurs propriétaires qui se sont séparés pour diverses raisons, déménagement, manque d’espace ou problèmes financiers’’. ‘’Et comme on ne jette pas un bouquin, sa vie se prolonge chez nous’’, se félicite-t-il.
A Meknès, les bouquinistes, comme Rachid, se trouvent dispersés un peu partout dans des endroits à forte fréquentation tels Sbata, Albassatine, Ouislane et autres.. Certains s’installent à même le sol et fabriquent leurs librairies par terre. D’autres étalent, en vrac, leurs précieuses marchandises sur des boites en carton.
Les gens viennent aussi pour découvrir des siècles de littérature, d’art, de philosophie, de poésie et de culture, selon ces antiquaires, qui présentent un large choix de bouquins de seconde main. Des livres du monde d’hier et d’aujourd’hui. Ils se disent, à ce titre, ‘’les gardiens d’un trésor culturel ancestral’’.
Ces lieux sont, à coup sûr, en voie d’extinction compte tenu de l’essor galopant de la technologie numérique. D’autres lieux plus modernes disséminés ça et là sont plus ordonnés au milieu d’un joli désordre. Ils sont pris en main par des jeunes accros de lecture. Hier encore, ils étaient là à aider les anciens. Aujourd’hui ils sont maîtres des lieux.
Ces bouquinistes dans des villes comme Casablanca et Rabat espèrent être groupés dans une association pour mieux s’organiser et continuer de faire aimer le livre. Et Pourquoi pas un coin au salon international de l’édition et du livre (SIEL) ? En attendant, ils défendent jalousement leur marchandise et restent confiants dans l’avenir.
Sauf qu’avec cette pandémie et ses effets sur le monde des livres, il est vital de lancer un appel aux amoureux de la lecture, d’aller, dès que les conditions sanitaires le permettent, flâner, se balader dans ces lieux et s’arrêter un instant pour observer et redynamiser le marché de ces ‘’bibliothèques’’ ambulantes qui font aujourd’hui, par le biais des civilisations récentes et anciennes qu’elles recèlent, la gloire de l’humanité. Le philosophe français, Gaston Bachelard, n’avait-il pas dit que ‘’le paradis n’est autre qu’une immense bibliothèque’’.