Tollé sur Twitter, pétition et tribune indignées accueillent « Opération renaissance », une nouvelle téléréalité sur M6 qui montrera dès lundi le parcours de dix personnes obèses, candidates à la chirurgie bariatrique pour réduire leur estomac.
La polémique avait déjà éclaté en 2017 lors de l’annonce du projet. Des associations anti-grossophobie étaient montées au créneau, outrées par la révélation de mises en scène envisagées, comme faire porter aux participants l’équivalent de leur poids perdu lors d’une randonnée en sac à dos.
Mais depuis la publication lundi d’extraits et de la bande annonce de l’émission, l’indignation est remontée illico sur Twitter où fleurit le mot-clé #pasmarenaissance. Une pétition ouverte par le collectif Gras Politique y circule aussi : elle avait recueilli plus de 6.400 signatures vendredi.
« Les personnes obèses sont considérées comme mortes-vivantes tant qu’elles ne réussissent pas à maigrir », fustige Gras Politique, qui se présente comme « un collectif de personnes gros-ses », dans une tribune publiée sur Médiapart, et signée par plus de 170 associations, soignants, personnalités et particuliers.
L’association déplore la diffusion d’une « vitrine publicitaire mensongère pour les chirurgies bariatriques » conçue sans « point de vue critique », ni « transparence concernant ses soubassements financiers et idéologiques ».
Elle appelle à ne pas se laisser « berner par le filtre de la télévision », qui dresse une « présentation idyllique d’un système de santé bienveillant et respectueux des personnes grosses, et d’une prise en charge optimale » pour les opérées.
« Changer le regard »
« Ce qu’ils dénoncent, je le sais, c’est dans l’émission », réagit Karine Le Marchand, auprès de l’AFP. Réalisatrice, productrice et présentatrice du programme, elle a suivi l’évolution des participants pendant près de trois ans.
« Sur les 10 candidats, j’en ai cinq en dépression, un qui est devenu alcoolique, une qui a failli mourir au bloc, si ça c’est enjoliver la réalité de la chirurgie bariatrique… », interroge l’animatrice vedette de M6.
Son objectif ? « Changer le regard sur les personnes obèses en leur donnant la parole, en voyant de l’intérieur ce qu’elles vivent », « montrer les causes et les conséquences de l’obésité », mais aussi parler des mesures à « mettre en place » pour en finir avec le surpoids, expliquait-elle lors d’une conférence de presse.
A l’écran, « Opération renaissance » est une téléréalité montrant l’intimité de dix candidats, dont neuf femmes, peu avant leur opération de l’estomac, puis leur cheminement sur plus de deux ans avec, pour la plupart, une chirurgie plastique réparatrice à la clé.
Ils bénéficient d’un « protocole » d’encadrement avec un bataillon de professionnels (médecins, chirurgiens, nutritionniste, psychiatre) et … l’omniprésente Karine Le Marchand.
Cette dernière précise avoir voulu travailler avec un établissement, l’hôpital parisien Saint-Joseph, et des chirurgiens conventionnés de secteur 1 sans dépassement d’honoraires.
« Souffrance-spectacle »
Les deux candidates de l’émission pilote, présentes lors de la conférence de presse, ont témoigné de l’impact positif sur leur vie. « La vie est changée, le regard est changé », affirme Stacy pour qui on ne peut pas être heureux obèse, « c’est toujours un masque qu’on se met ».
Une affirmation combattue par les opposants à l’émission. « On peut vivre gros en bonne santé, heureux », s’insurge Sylvie Benkemoun, psychologue et présidente du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS).
« C’est de la souffrance-spectacle », estime-t-elle, telle que « l’extrême violence » des séquences face au miroir des candidats en sous-vêtements devant une autre animatrice vedette de M6, Christine Cordula.
« Il y a beaucoup de questionnements éthiques par rapport à cette émission », ajoute la psychologue. Elle critique aussi le rôle de Karine Le Marchand, largement mise en scène en salle d’opération, et l’ouvrage qu’elle a tiré de l’émission.
« Je n’ai strictement rien à me reprocher », soutient Karine Le Marchand, qui ajoute ne pas avoir « honte », non plus, de vendre un livre « qui peut être utile au-delà de la perte de poids ».