Même si le terme de « hauts risques » a été galvaudé ces dernières années au point de perdre sa pertinence, cette rentrée politique et sociale est pourtant sans aucun doute un tournant avec des marqueurs inédits. Même sur son jet ski pendant ses vacances d’été ou dans ses bains de foules algérienne, Emmanuel Macron a dû avoir en tête les scénarios cauchemardesques d’une rentrée sociale annoncée comme explosive.
Et pour cause, la hausse des prix des matières de première nécessité et ceux de l’énergie couplée à une stagnation des salaires des français donne un coup dure à leur pouvoir d’achat dont les conséquences sociales seront difficiles à éviter .
Il est vrai qu’avant de clore la session parlementaire, le gouvernement a fait voter des lois pour protéger les français de cette inflation galopante, ou du moins amoindrir ses effets. Il est vrai aussi que comparativement à leurs voisins européens, les Français s’en sortent relativement mieux selon le plan de communication établi par le gouvernement pour vendre sa stratégie.
Le président Macron, dans sa volonté de préparer les esprits aux sacrifices qui les attend, a lui-même participé à donner une tonalité dramatique à cette rentrée lorsqu’il a sonné la fin de l’ère de l’abondance.
C’est la première fois où l’exécutif prend ce ton grave avant la rentrée. Traditionnellement, l’épaisse langue de bois, gommant toutes les aspérités et les éléments de langages somnifères sont de rigueur dans ce genre de circonstances. D’ailleurs dans sa stratégie de préparer les opinions au pire, Emmanuel Macron affirme qu’il faut faire des sacrifices qui seraient le prix à payer pour défendre nos valeurs et nos libertés devant le totalitarisme russe.
Or, cette rentrée s’annonce des plus turbulentes. Plusieurs raisons l’expliquent. D’abord la totale absence de visibilité quant à l’éventuelle fin de ce calvaire européen et mondial. La guerre entre l’Ukraine et la Russie s’est installée dans la durée et des conséquences économiques et sociales sont difficiles à gérer dans le temps sans un agenda et une capacité de prévisions. Une véritable guerre d’usure dont la victoire appartient à celui qui a le plus long souffle et les plus grandes capacités de résistance.
Cette situation rend possible, voire prémonitoire la promesse d’un troisième tour électoral qui prendrait la rue comme arène d’action et d’expressions politiques. Le premier tour a reconduit Emmanuel Macron à L’Elysée. Le second l’a privé de sa majorité absolue et permit une entrée massive de l’extrême droite et de la gauche radicale au Parlement.
Ce troisième tour se passera dans la rue. Mauvais signe pour Emmanuel Macron, les deux forces extrémistes de l’échiquier politique incarnée par Jean-Luc Mélenchon, chef de la France insoumise et Marine Le Pen, icône de l’extrême droite, ont un intérêt stratégique à insuffler de la colère et de la frustration dans les opinions. Chacun a en tête la volonté de capitaliser sur ces colères pour pouvoir les instrumentaliser dans les scrutins à venir.
Cette rentrée a aussi un goût particulier. Emmanuel Macron ne peut prétendre s’organiser pour un troisième mandat. Ce fait n’est pas anodin car il influence les comportements de forces censées être des alliés. Les regards ici sont tendus vers des personnalités comme François Bayrou, chef du Modem, et Édouard Philippe, chef du micro-parti Horizons.
Dans l’agitation prévisible et attendue des forces de l’opposition au sein du parlement pour contester les projets du gouvernements, ces alliés d’Emmanuel Macron ne sont pas garantis d’adopter une attitude de soutien absolu comme cela a été le cas lors de la précédente législature. Chacun va jauger les opportunités d’exister politiquement, indépendamment de la macronie et se préparer à une nouvelle séquence où Macron n’aura comme seule ambition que de terminer son second mandat. Même s’il ne paraît pas aussi imposant, cet élément de réflexion pèsera lourdement dans les choix des uns et des autres, soit pour défendre mordicus les projets de Macron, soit pour prendre une distance opportune à leur égard.
Entre un Parlement en ébullition, des alliés indociles, une opinion remontée à bloc pour défendre son pouvoir d’achat, le second mandat d’Emmanuel Macron s’annonce comme un chemin de croix pavé d’embûches. Il faudra au président des intuitions de génie, un sens exacerbé de la gestion des crises pour dépasser ces défis et des fractures sans y laisser des plumes.