Huit ans après la révolution, le Parlement tunisien encore en plein chantier

Sous le plafond finement sculpté du palais du Bardo se dessine depuis 2011 le visage de la jeune démocratie tunisienne, à coup de débats acharnés entre députés sur le statut de la femme ou la nécessité de punir les violations commises sous les dictatures.

Les Tunisiens, qui élisent dimanche leurs députés sans grand engouement, ont une image exécrable du Parlement : absentéisme, revirements d’alliances et manque d’initiatives ont limité le travail de fond.

C’est pourtant dans ce palais beylical de Tunis que se jouent des choix de société déterminants pour le pays pionnier des Printemps arabes, également le seul à poursuivre sa démocratisation.

Le Parlement, inerte sous le président déchu Zine el Abidine Ben Ali, est redevenu central lorsque l’Assemblée constituante y a lancé ses travaux le 22 novembre 2011.

"Egalité" plutôt que "complémentarité" entre hommes et femmes, inscription de l’islam comme religion du pays mais pas comme source du droit : des compromis historiques ont été arrachés dans l’hémicycle, parfois au milieu de la nuit, après des heures de débats.

Le soir du 26 janvier 2014, après avoir voté une Constitution saluée à travers le monde, une émotion intense a saisi les députés qui se sont mis à chanter des slogans de la révolution dans un rare moment d’unité.

L’Assemblée constituante a laissé place au premier Parlement élu démocratiquement fin 2014.

"Il y a eu des moments insupportables, comme les règlements de compte permanents autour de l’Instance vérité et dignité", chargée de rendre justice aux victimes des dictatures, raconte la députée Bochra Bel Haj Hmida, qui fustige les "calculs" politiques ayant visé à s’assurer "l’impunité".

Les députés ont validé en 2015 une amnistie controversée pour les fonctionnaires corrompus sous Ben Ali, en dépit des centaines de manifestants hurlant sous les grilles du Parlement et de la résistance de députés de l’opposition qui ont scandé l’hymne national des heures durant.

"La plénière est souvent un +show+, avec des débats violents et parfois ridicules", estime la députée, qui dit pourtant y avoir vécu "la plus belle expérience de (sa) vie".

Parmi les grandes heures du Parlement figure l’adoption en juillet 2017 d’une loi contre les violences faites aux femmes, qui reconnaît, en plus des violences physiques, les violences morales, sexuelles et économiques.

Le 18 mars 2015, le Parlement a du être évacué d’urgence lorsqu’un commando jihadiste attaquait le musée du Bardo contigu. L’attaquée revendiquée par le groupe Etat islamique (EI) a fait 22 morts dont 21 touristes.

L’ONG Al-Bawsala, observatoire du Parlement, déplore que sur les 300 textes adoptés depuis 2014, les deux tiers soient des accords internationaux ou de prêt, et 97% des initiatives de l’exécutif.

"J’aimerais qu’on nous fasse rêver avec un Parlement moteur de changement", lance Lamine Benghazi, chef de projet à Al-Bawsala.

Le Parlement s’est doté début 2019 d’une autonomie financière, cruciale pour pallier au manque de moyens des élus.

Parmi les centaines de textes en attente, les futurs députés auront notamment à voter sur la composition d’une Cour constitutionnelle, garante de la transition démocratique.

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