A l’ombre du coronavirus et dans un contexte social très tendu depuis des mois, les Français sont appelés à élire leurs maires les 15 et 22 mars, une élection qui constituera un test important pour le président Emmanuel Macron.
Près de 48 millions d’électeurs sont ainsi appelés aux urnes pour élire plus de 500.000 conseillers municipaux, qui désigneront ensuite les maires de 34.970 communes pour six ans.
Ce scrutin, souvent marqué par l’affectif -les maires sont les élus préférés des Français-, pourrait toutefois être marqué par l’abstention, coronavirus oblige. Un « report n’est absolument pas à l’ordre du jour », ont déjà souligné les autorités, qui ont prévu d’installer gel hydroalcoolique et masques de protection à l’entrée des bureaux de vote.
La crainte du virus pourrait peser sur l’organisation du scrutin, particulièrement dans les communes situées dans les foyers d’infection, et sur le dépouillement effectué par des volontaires. « Les gens n’ont pas forcément envie de toucher des centaines de bulletins de vote en ce moment », résume un habitué des bureaux.
– Test pour Macron –
Dans un pays sous tension continue depuis fin 2018 -crise des « gilets jaunes », longue grève contre la réforme des retraites, colère à l’hôpital ou dans l’éducation…- les municipales vont être un test important pour Emmanuel Macron et le « ni droite ni gauche » qui l’a porté à la présidence en 2017.
Anticipant sur cette lecture, le chef de l’Etat a minimisé et insisté sur le caractère local du scrutin: « je ne vais pas considérer que les gens votent pour tel ou tel candidat parce qu’ils soutiennent ou pas le président, je crois que ce n’est pas vrai, et je n’en tirerai pas de manière automatique des conséquences nationales », a-t-il souligné en début d’année.
Pourtant, analyse Martial Foucault, directeur du Cevipof (Centre d’études de la vie politique française), « ce scrutin sera un indicateur très précieux pour connaître la pénétration du macronisme au niveau local ».
L’enjeu pour le parti présidentiel La République en marche (LREM), créé en 2016 pour propulser Emmanuel Macron à la présidence l’année suivante, est de vérifier « s’il peut décliner au plan local le tour de force de 2017 » et s’il peut prendre des grandes villes comme Lyon, Strasbourg ou bien sûr Paris.
La partie n’est pas bien engagée dans la capitale, où l’ex candidat Benjamin Griveaux, un fidèle de Macron, a abandonné en février après la diffusion par un activiste russe de vidéos privées à caractère sexuel. Il a été remplacé au pied levé par Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé.
« Forcément Paris est une ville qui va retenir l’attention de l’opinion internationale. Je pense qu’au plan européen tout le monde va être très attentif au résultat du parti d’Emmanuel Macron », estime le chercheur Bruno Cautres, du CNRS.
Le patron de LREM, Stanislas Guérini, a fixé pour objectif national d’obtenir 10.000 conseillers municipaux. « Le pari me semble très audacieux », juge M. Foucault, notamment au vu du contexte social.
– Retour du clivage gauche-droite ? –
Les candidats macronistes -parmi lesquels 10 ministres du gouvernement, dont le Premier d’entre eux Edouard Philippe, candidat au Havre (ouest)- risquent en effet de payer au niveau local la politique nationale de leur parti. L’adoption à marche forcée début mars de la réforme des retraites, qui avait provoqué une grève de plus d’un mois dans les transports parisiens et des manifestations dans toute la France, n’est pas du meilleur effet.
Les oppositions de droite et de gauche, laminées après la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle et aux législatives de 2017, espèrent elles reprendre des couleurs à l’occasion du scrutin, misant notamment sur leur ancrage local ancien.
La gauche veut y voir « un moment de renaissance », selon la formule d’Olivier Faure, patron du Parti socialiste, dont est membre l’actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo, au coude à coude dans les sondages avec sa rivale de droite Rachida Dati.
Le PS fait liste commune dans plusieurs villes avec les écologistes. Ces derniers, qui font cavalier seul dans certaines villes, ont généralement le vent en poupe après des européennes réussies en mai 2019, et voient leurs thématiques s’imposer à tous les candidats.
A droite, les Républicains, qui dirigent un tiers des villes de plus de 9000 habitants depuis « la vague bleue » des municipales en 2014 misent sur la prime au sortant, notamment dans ses bastions du sud à Marseille, Toulouse, Bordeaux.
« Je pense que le climat social va remobiliser les troupes à gauche et à droite pour l’entre-deux tours », prévoit M. Foucault.
Le parti d’extrême-droite RN pour sa part, qui gère une dizaine de villes de plus de 9.000 habitants, présente moins de listes que lors du précédent scrutin mais espère étendre son empreinte locale.