Deux ans avec sursis pour Jacques Chirac qui ne fera pas appel

Jacques Chirac, 79 ans, aura eu jeudi le triste privilège d’être le premier chef d’Etat de la Ve République à être condamné pour des faits antérieurs à son accession à l’Elysée. Dans la soirée, M. Chirac a annoncé qu’il ne ferait pas appel de cette décision qu’il "conteste catégoriquement"

Le tribunal correctionnel de Paris l’a en effet condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis dans l’affaire dite des emplois fictifs de la Ville de Paris remontant à l’époque où il était maire de la capitale et président du Rassemblement pour la République.

Durant son mandat présidentiel, de 1995 à 2007, M. Chirac a bénéficié d’une immunité liée à sa fonction.

"J’ai conscience aussi que ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’honneur d’un homme, mais la dignité de la fonction présidentielle que j’ai assumée depuis", écrit l’ancien président dans un communiqué.

"Et je crois qu’aujourd’hui, le respect de nos institutions exige que l’apaisement vienne", a-t-il affirmé, en ajoutant "avec honneur: aucune faute ne saurait m’être reprochée.

Ce jugement sévère est un camouflet tant pour sa défense que pour le ministère public qui avaient demandé sa relaxe. M. Chirac, qui souffre de sévères troubles de la mémoire, a pris "avec sérénité" cette condamnation, a déclaré sur RTL l’un de ses avocats, Me Jean Veil.

"Le dossier et les débats ont établi que Jacques Chirac a été l’initiateur et l’auteur principal des délits d’abus de confiance, détournements de fonds public, ingérence et prise illégale d’intérêts", relève le jugement.

Sur les 28 emplois présumés fictifs qui lui étaient reprochés, le tribunal l’a condamné pour 19 "totalement ou partiellement fictifs". M. Chirac est "effectivement satisfait que, à tout le moins, le tribunal reconnaisse qu’il n’y a eu aucun enrichissement personnel", a poursuivi Me Veil.

En ayant recours à ces emplois fictifs, M. Chirac "a manqué à la probité qui pèse" sur les élus, "cela au mépris de l’intérêt général des Parisiens", assène le tribunal.

M. Chirac était poursuivi en sa double qualité de maire de Paris (1977-1995) et président du défunt RPR (Rassemblement pour la République) dans deux affaires d’emplois présumés fictifs, l’une instruite à Paris, l’autre à Nanterre dans laquelle il était le seul prévenu.

Il lui était reproché d’avoir avalisé des contrats de personnes salariées par la Ville de Paris travaillant pour le compte du parti gaulliste ou ayant bénéficié d’un emploi de complaisance. Il avait toujours dénié l’existence d’un système.

Sa culpabilité résulte "de pratiques pérennes et réitérées qui lui sont personnellement imputables et dont le développement a été grandement favorisé par une parfaite connaissance des rouages de la municipalité", poursuit le jugement.

Le tribunal, dans son jugement, n’a pas manqué de relever les "connexions" entre la municipalité et le parti de M. Chirac qui a réalisé de substantielles économies de salaires.

Dans l’appréciation de la peine, deux ans avec sursis, le tribunal a pris en compte que M. Chirac ne s’était pas enrichi personnellement, son âge, son état de santé actuel qui ne cesse de se dégrader et ses "éminentes responsabilités".

Le tribunal a relaxé l’un des directeurs de cabinet de M. Chirac, Michel Roussin. Il a reconnu coupable mais dispensé de peine l’ancien patron de Force ouvrière, Marc Blondel, qui avait bénéficié d’un chauffeur payé par la Ville de Paris.

Un petit-fils du général de Gaulle, père de la Ve République, a été condamné pour avoir eu à sa disposition un chargé de mission alors qu’il était député.

L’UMP et Jacques Chirac ont remboursé à la Ville de Paris 2,2 millions d’euros, somme correspondant aux 28 salaires des emplois litigieux retenus dans la prévention. Un remboursement qui n’était en rien une reconnaissance de culpabilité, selon la défense de M. Chirac. Le tribunal a fixé à 1,4 million les salaires versés aux 19 emplois pour lesquels M. Chirac a été condamné.

La Ville s’est désistée de sa constitution de partie civile. L’association anti-corruption Anticor, qui s’était constituée partie civile à l’audience, a été déboutée.

"C’est un message fort qui a été pris aujourd’hui par le tribunal, c’est un message donné à l’ensemble des hommes politiques", a déclaré Jérô me Karsenti, l’avocat d’Anticor.

"C’est aussi la preuve d’une démocratie mature, transparente, qui arrive aujourd’hui à faire le tri et à juger un ancien président de la République."

L’affaire de Nanterre a valu en 2004 à Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, et à l’époque des faits maire-adjoint et secrétaire général du RPR, une condamnation à 14 mois avec sursis et un an d’inéligibilité.

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