Des musulmans de France condamnent le terrorisme

Une pétition, rassemblant toutes les sensibilités de la communauté musulmane de France, condamne fermement les attentats contre les chrétiens au Moyen-Orient

Des musulmans de France condamnent le terrorisme
Un millier de personnes se sont rassemblées sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris pour manifester leur soutien aux Coptes, le 7 janvier (Prevel/Ciric).

Voilà une prise de position qui devrait faire date dans l’histoire de l’islam de France. En signant un « appel » commun, initié par le trimestriel Respect magazine, publié mercredi 12 janvier par le quotidien Libération, et intitulé « l’islam bafoué par les terroristes », une centaine de personnalités de la communauté musulmane française ont à la fois répondu à une forte attente, et marqué sans doute une étape dans l’intégration de cette communauté au sein de la République française.

Certes, à plusieurs reprises déjà, des représentants du monde musulman, notamment le CFCM (conseil français du culte musulman), la Mosquée de Paris, et au plan européen, la fédération des organisations islamiques en Europe, avaient publié des condamnations des attentats contre les chrétiens au Moyen-Orient, qu’il s’agisse de ceux perpétrés à Bagdad ou ceux visant les coptes d’Alexandrie le 31 décembre dernier. Mais jamais cela n’avait été fait d’une manière aussi ferme, radicale, et jamais non plus par un collectif rassemblant l’ensemble des sensibilités de la communauté en France.

En effet, l’islam, en tant que tel, n’apparaissait pas jusqu’ici dans les communiqués. Comme pour gommer le fait que les terroristes se réclamaient de cette religion. Cette fois, c’est explicite : le texte parle de ces « atrocités commises “au nom de l’islam” » et rappelle « haut et fort que ces meurtriers ne sont pas de l’islam, et qu’ils ne représentent en rien les musulmans ». Sans complexe donc, le texte s’attaque de front au problème religieux. De même, il parle d’une « usurpation d’identité », au lieu de s’en tenir à la rhétorique utilisée jusqu’ici, consistant à mettre en face des victimes chrétiennes les victimes musulmanes du terrorisme. La pétition ne parle que des « massacres des chrétiens ».

« Société civile musulmane »

Seconde nouveauté, la diversité des signataires. Dans une communau té particulièrement divisée, de par ses origines multiples, le consensus a été trouvé : en bas de l’appel figurent des religieux, de la Mosquée de Paris (Dalil Boubakeur) au CFCM (Mohammed Moussaoui), de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans (Tareq Oubrou), au soufisme (Khaled Bentounès). Mais la pétition, et c’est sa richesse, est aussi le fait de personnalités issues de la « société civile musulmane », entrepreneurs, journalistes, intellectuels ou hommes politiques. Le panel va donc au-delà des croyants mêmes, pour s’étendre à tous ceux qui se reconnaissent de culture musulmane.

C’est la réponse que nombreux, en France, attendaient. Le député UMP du Tarn Bernard Carayon avait la semaine dernière appelé les Français musulmans à dénoncer les massacres, et à manifester, vendredi 7 janvier, sur le parvis de Notre-Dame. Dans les rangs catholiques aussi, la pression se faisait ressentir. Et si le P. Christophe Roucou, responsable du service national pour les relations avec l’islam des évêques de France s’est dès hier matin réjoui de la pétition, c’est aussi parce qu’il est conscient que, au sein des catholiques, un sentiment d’hostilité à l’encontre des musulmans est en train de monter, à la suite de ces attentats.

Eviter tout amalgame

Côté musulmans aussi, la demande d’une prise de position commune , pour éviter tout amalgame, s’est imposée. Comme l’explique le rédacteur en chef de Respect magazine, Marc Cheb Sun, il fallait non seulement une condam na tion plus forte, mais aussi plus visible. Depuis quelques jours, aussi, les débats étaient rudes, au sein du Conseil français du culte musulman, pour réunir l’ensemble de la communauté autour d’une initiative forte.

Les signataires de l’appel se désignent eux-mêmes comme des « citoyens » d’un « pays multiconfessionnel ». « C’est aussi l’islam qu’on assassine en commettant ces crimes en son nom », écrivent-ils. Une manière de représenter un autre islam, l’islam de France, décomplexé mais responsable. Cette première manifeste sans aucun doute une certaine maturité de la part de cette toute nouvelle compo sante culturelle et religieuse de la société française.
Isabelle de GAULMYN

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