Darmanin au Maroc, une visite très politique

Parmi les visites des ministres français qui se succèdent au Maroc, celle que va effectuer à Rabat les 21 et 22 avril le ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, Gérald Darmanin, a une importance particulière. Et elle doit cette distinction autant au profil de l’homme lui-même, à ses convictions qu’aux thématiques politiques et sécuritaires qu’il va traiter avec les autorités marocaines.

D’abord un sujet lié à l’actualité d’aujourd’hui et de demain. Celle de l’organisation des jeux olympiques par la France à J-100. La préoccupation majeure pour les autorités françaises est de pouvoir les organiser dans des conditions sécuritaires extrêmes. Une menace terroriste multiforme pèse sur ces jeux et Paris a besoin de mobiliser tous ses alliés pour les protéger et les faire réussir.

Le Maroc, qui avait acquis une expertise incontestable dans le domaine de la gestion des foules comme l’a montré son expérience avec le mondial du Qatar, avait été officiellement sollicité par les autorités françaises. De nombreuses réunions sécuritaires à haut niveau aussi bien à Rabat qu’à Paris ont été tenues entre responsables marocains et français. Cette visite de Darmanin au Maroc sera à non pas douter l’occasion de finaliser ces procédures de coopération entre le Maroc et la France dans ce contexte d’urgence sécuritaire.

Pour le Maroc, Gérald Darmanin occupe une place particulière dans le casting gouvernemental français. Pendant la longue crise qui a marqué les relations entre les deux pays, il incarnait un des visages de la tension de l’axe Paris/Rabat. N’est-ce pas lui, en tant que ministre de l’Intérieur qui avait porté ces virulentes accusations contre le Maroc de ne pas accorder les passer consulaire pour faciliter l’expulsion des clandestins marocains vers le Maroc ? Ces accusations avaient donné lieu à une réaction marocaine exprimée avec colère et en des termes très vifs par le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita.

Officiellement, c’est cette affaire de laisser-passer consulaire qui avait été à l’origine de la crise des visas entre les deux rives de la Méditerranée et qui a participé largement à abimer la qualité des relations entre les deux pays. Aujourd’hui, signe d’une embellie certaine, la crise des visas est officiellement derrière nous, mais les problématiques liées à la crise migratoire sont toujours là et il faut parier qu’elles seront au top de l’agenda du ministre Darmanin à Rabat.

En accueillant Gérald Darmanin, le Maroc accueille un ministre qui n’a pas toujours eu des relations faciles avec le Maroc. Malgré son appartenance à la droite républicaine notoirement connue pour ses sympathies pro-marocaines, Gérald Darmanin avait surpris en incarnant à lui seul les ingrédients de la crise avec le Maroc. Certaines analyses attribuent à son influence, lui le ministre d’origine algérienne, que Emmanuel Macron ait pu développer ce fameux tropisme algérien qui avait vu le locataire de L’Elysée tenter de faire pencher la balance au profit de l’Algérie et au détriment du Maroc. À travers lui, sa personnalité et son réseau, Emmanuel Macron tentait de tenir le manche maghrébin par le milieu. Quand, à titre d’exemple, Catherine Colonna, ancienne ministre des Affaires étrangères  avait effectué sa première visite au Maroc dans une tentative d’apaiser la tension entre les deux pays, Emmanuel Macron ordonnait à son ministre de l’Intérieur de s’envoler pour Alger pour rassurer les éventuelles inquiétudes algériennes de ce possible rapprochement.

Mais il y a un domaine dans lequel Gérald Darmanin avait montré ses préférences algériennes, c’est le domaine de l’islam de France. Depuis son arrivée place Beauvau et contre toutes logiques politiques et organisationnelles, Gérald Darmanin avait travaillé à favoriser la Grande mosquée de Paris, dirigée par le très contestables Chems Eddine Hafez dont les liens avec le régime algérien et le président Abdelmajid Tebboune ne sont un secret pour personne. L’enjeu majeur et politiquement risqué de Gérald Darmanin, adoubé par Emmanuel Macron, est d’offrir à un régime algérien, notoirement connu pour l’instabilité et l’incohérence de ses choix, la possibilité de peser lourdement sur la deuxième religion de France.

Et c’est ce favoritisme algérien qui est actuellement à l’origine de cette désorganisation de l’islam de France dont la gestion est volontairement laissée aux mains des imposteurs et des opportunistes. Dans son dialogue politique avec les autorités marocaines qui accordent une importance particulière à ce champs, Gérald Darmanin devra expliquer et argumenter ses choix et sa stratégie.

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