Cinq questions à Amine Saâd, fondateur des Trophées Marocains du Monde

Dans cet entretien, Amine Saâd, président de la Fondation Trophées Marocains du Monde et directeur de publication de BM Magazine, une publication dédiée à la communauté marocaine résidant à l’étranger, revient sur l’importance des Hautes directives royales en faveur des MRE. Il appelle à faire un “bilan critique” des politiques publiques à l’égard des MRE pour inventer une nouvelle forme de “lien” économique, culturel et cultuel entre cette communauté et sa mère-patrie.

1- Le dernier discours royal à l’occasion de la Révolution du Roi et du peuple a réservé une place de choix à la diaspora marocaine en mettant en valeur ses apports et en appelant à la création d’un mécanisme durable de suivi et d’accompagnement des compétences marocaines à l’étranger. En tant que MRE, comment avez-vous reçu cet appel du Souverain ?

Le dernier discours que SM le Roi a prononcé à l’occasion de la Révolution du Roi et du peuple a consacré, comme vous le rappelez, une place de choix à la communauté marocaine de l’étranger. Il faut préciser toutefois que ce n’est pas la première fois que le Souverain accorde à cette communauté une attention particulière. Plusieurs discours ont été adressés à cette population qui est constituée, selon les dernières estimations, de près de 5 millions de personnes. C’était le cas lors du discours du 6 novembre 2005, celui du 6 novembre 2006 ou encore celui de 2007.

Le dernier discours de ce 20 août 2022 a cependant eu la particularité d’y accorder une place primordiale. Le Souverain y a posé des questions fondamentales et appelé à penser à la manière dont le Maroc devrait drainer ses compétences de l’étranger, et elles sont nombreuses, pour contribuer au développement économique du pays. La particularité tient, à mon sens, à deux aspects. D’abord, parce qu’il s’agit aujourd’hui d’un questionnement de ce qui a été entrepris en la matière. Je cite Sa Majesté le Roi: “Ceci dit, nous devons nous poser en permanence les questions suivantes: qu’avons-nous fait pour renforcer le sentiment patriotique de nos immigrés ? Le cadre législatif en place et les politiques publiques tiennent-ils compte de leurs spécificités ? Les procédures administratives sont-elles adaptées à leurs attentes du moment? Leur avons-nous assuré l’encadrement religieux et éducatif nécessaire ? Leur avons-nous apporté l’accompagnement requis et les conditions favorables à la réussite de leurs projets d’investissement ?”.

Il s’agit ici d’un appel à dresser un bilan au sens très large de toutes les initiatives qui ont été entreprises. Et lorsque je parle de bilan, je pense surtout à un bilan critique qui dévoilerait les failles des systèmes antécédents.

Ensuite, il s’impose de réfléchir et surtout mettre en place de nouveaux mécanismes pour inciter cette communauté à s’intéresser davantage au Maroc dans ses projets d’investissement.

2- Est-ce à votre avis le début d’une nouvelle ère en matière de traitement réservé aux MRE ?
Les compétences des Marocains du Monde ont longuement été évoquées dans le discours du Souverain comme un réservoir au sein duquel le Maroc devrait puiser des ressources. A cet égard, les liens qui unissent ces compétences à leur pays d’origine représentent un élément fondamental.

Oui, nous pouvons dire que c’est le début d’une nouvelle ère en matière de traitement réservé aux MRE. Nous l’espérons grandement. Les MRE doivent devenir une communauté à laquelle un intérêt est porté tout au long de l’année, qui est impliquée dans le processus de développement économique et, puisqu’ils ont des spécificités propres, nous devons inventer une nouvelle forme de “lien” économique, culturel et cultuel.

3- Vous êtes le fondateur de BM Magazine, une publication qui s’adresse aux MRE. Parlez-nous de cette initiative et comment contribue-t-elle à une meilleure connaissance et une meilleure visibilité de la diaspora marocaine ?

C’est en 2005 que BM Magazine a été lancé. Exerçant dans le journalisme à l’époque, je constatais que la question migratoire et celle des MRE en particulier n’avait pas la place qu’elle méritait dans le paysage médiatique marocain. C’est de là qu’est née l’idée d’un magazine qui s’intéresserait davantage à cette question, sans être pour autant un magazine communautaire comme on a tendance à le croire parfois. BM Magazine est donc né de cette volonté de créer une passerelle en termes d’informations entre le Maroc et les pays d’accueil.

Dans ce magazine, nous accordions beaucoup de place aux questions économiques et culturelles, convaincus que ces deux champs étaient ceux où se jouait le maintien du lien entre ces MRE et leur pays d’origine.

4- Qu’en est-il des Trophées Marocains du monde, une autre initiative dont vous êtes le promoteur et qui a pour but d’encourager les compétences marocaines à l’étranger ?

Douze années plus tard est né “Trophées Marocains du Monde”. La première édition a eu lieu en 2017. Le 19 mars dernier a eu lieu la quatrième édition. Les deux initiatives sont très intimement liées, la première, le magazine, ayant été à la source de la deuxième puisque c’est en côtoyant de près cette communauté au cours de ces années que j’ai constaté que les compétences étaient diverses, nombreuses et surtout souvent exceptionnelles et qu’il fallait créer un espace où elles seraient mises en valeur au Maroc. Trophées Marocains du Monde est l’expression de l’existence de ces compétences exceptionnelles, l’expression de l’existence d’un lien fort avec le pays d’origine et, in fine, l’expression d’une réelle volonté de les mettre en valeur et faire de ces compétences une véritable force pour le pays.

Le discours du 20 août 2022 nous a conforté pleinement dans nos initiatives, particulièrement celle des Trophées Marocains du Monde. Parce que cet événement, que nous organisons chaque année, rend hommage à ces compétences. Plusieurs catégories y concourent : politique, sport, art et culture, recherche scientifique, monde de l’entreprise et vie associative. Nous étions conscients que ces compétences pouvaient jouer un rôle important pour le Maroc en contribuant à son développement économique mais aussi à son rayonnement à l’étranger. Le réseau que nous avons constitué depuis la naissance de BM Magazine puis celle des Trophées Marocains des Monde est indéniablement une grande richesse. S’en est suivi la création de la Fondation Trophées Marocains du Monde. Cette dernière représente un lieu d’échanges entre les compétences MDM grâce à leur mise en réseau. Toutes ces initiatives vont dans le sens du discours de Sa Majesté. Et nous en sommes fiers.

5- D’après votre propre parcours et votre activisme en faveur de la cause des MRE, comment le regard porté sur cette catégorie a-t-il évolué avec le temps ? Les médias jouent-ils pleinement leur rôle dans l’ouverture sur les MRE, leurs problématiques et leurs doléances ?

Vous parlez d’activisme, je parlerais plutôt d’observateur des questions liées à la communauté marocaine de l’étranger. Mon parcours de journaliste professionnel et toutes ces années passées à la tête d’un média spécialisé sur la question m’ont permis d’acquérir une connaissance de ces problématiques et de côtoyer de près le microcosme de ceux, au Maroc et à l’étranger, qui réfléchissaient sur ces questions ou, pour parler de ceux qui sont à l’étranger, étaient activistes de la cause, pour reprendre votre terme.

Le changement de ce regard que vous évoquez est réel. Je dirais qu’il s’est imposé de lui-même même si certains regards sont encore figés. Les transformations au sein des ces communautés ont forcément un impact sur leur perception, notre regard. Nous sommes actuellement à la 3ème voire la 4ème génération dans certaines communautés de Marocains de l’étranger.

Le niveau d’études atteint, la féminisation, l’accès à d’importants postes de responsabilité ne nous permettent plus de traiter les problématiques de la même manière qu’il y a 15 ou 20 ans. A cette époque, le MRE était l’ouvrier de première génération qui rentrait, avec ses enfants, chaque été passer les vacances au pays.

Aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé. Le MRE peut être un éminent scientifique, un homme politique aux commandes, un artiste des plus reconnus dans la sphère culturelle, un grand écrivain… Nous nous devons de réfléchir donc, et cela a été rappelé par le dernier discours royal, à changer de façon de regarder ces personnes. Et surtout de façon d’en parler. C’est là que les médias interviennent et doivent jouer un rôle important.

C’est là aussi que je souhaite parler à nouveau des Trophées Marocains du Monde parce qu’ils sont venus apporter un nouveau regard sur cette immigration. Lorsqu’ils ont été créés, c’était justement pour contribuer à changer ce regard. Les médias sont, vous le savez, extrêmement importants dans la construction d’une image et l’État a un rôle capital à jouer dans le soutien de ce type de médias spécialisés qui œuvrent chaque jour à donner une image différente de ces MRE au Maroc et à l’étranger.

 

Propos recueillis par Meriem RKIOUAK

(MAP)

 

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