Algérie: le football rattrapé par les démons de la violence

Fait gravissime et rarissime sur un terrain de football: l’attaquant camerounais Albert Ebossé a été mortellement blessé par un jet de pierre, samedi soir, au terme d’un match du championnat d’Algérie, propulsant à nouveau sur le devant de la scène le fléau endémique de la violence dans les stades du pays.

Alors que son équipe venait de perdre à domicile face à l’USM Alger, Ebossé, sociétaire de la JSK club phare de Tizi Ouzou, a subi, comme ses camarades, les foudres de supporters déchaînés qui ont commencé à lancer des projectiles en direction de leurs joueurs, dans une explosion de colère aux conséquences fâcheuses pour la suite des péripéties.

Le jeune footballeur âgé de 24 ans, qui évolue en Kabylie pour la deuxième saison, rendra l’âme à l’hôpital, après son évacuation d’urgence dans un état critique

Sous le coup de l’émotion, l’un de ses coéquipiers a déclaré à une chaîne locale qu’il ne va plus jouer au football après cet incident, qui confère à la violence une dimension plus inquiétante. En toute vraisemblance, les dérapages ne devraient plus rester confinés dans les gradins, désormais ils constituent une menace potentielle pour l’intégrité physique et la sécurité des acteurs sur la pelouse.

La JS Kabylie risque, donc, de lourdes sanctions pour le comportement de son public récidiviste, dont la nouvelle transgression du fair-play fera planer un nuage noir sur le championnat algérien, pas encore remis des désenchantements des précédentes campagnes.

Le samedi 21 septembre 2013, deux personnes ont été tuées dans l’effondrement d’un gradin du stade 5 juillet d’Alger lors d’un match entre les deux principaux clubs de la capitale, le Mouloudia et l’USMA. Le terrain a été définitivement fermé, mais sans que l’on détermine les véritables causes de l’incident ni les responsabilités.

Au cours de la saison passée, des statistiques officielles font, notamment, état de l’incendie d’une centaine de véhicules appartenant aux forces de l’ordre, tandis que plus de 600 personnes ont été blessées dans ces violences cycliques devenues comme un rituel, à tel point que chaque rencontre est classée "à haut risque".

La disparition à la fleur de l’âge du joueur camerounais, sacré meilleur buteur dès sa première saison avec 17 réalisations, ne manquera pas de déclencher des remous au sein du milieu footballistique, en particulier, et de la société algérienne dans son ensemble, qui observe impuissante les dérapages et les ravages causés par des supporters échappant à tout contrôle.

Les jours de match se sont transformés en un cauchemar pour les services de sécurité, souvent dépassés par l’ambiance électrique précédant les joutes et l’agressivité de jeunes gens surexcités, alimentée par une haine viscérale entre clubs dégageant, par moment, des relents politiques et régionalistes.

Les matches de football ont pris, en quelque sorte, la fonction sociale d’exutoire reflétant "un véritable malaise qui martyrise la jeunesse", soulignait un journaliste algérien en commentant une vidéo montrant l’acharnement inouï d’une horde fort furieuse sur un supporter de l’équipe rivale.

Un autre commentateur relevait que "si la violence n’a pas disparu de nos stades cela signifie que toutes les mesures préconisées par différents acteurs n’étaient pas appropriées et ne cadraient pas du tout avec les dangers que fait encourir la violence aux citoyens".

Par ailleurs, le drame de Tizi Ouzou est tombé comme un couperet pour la Fédération algérienne de football (FAF), qui nourrissait jusqu’à samedi soir de grands espoirs de pouvoir accueillir la CAN-2017 suite au désistement de la Libye, dans la journée.

Les commentateurs sportifs des chaînes de télévision locales, qui ont emprunté un ton très confiant quant aux chances de leur pays, se sont mobilisés pour mettre en exergue les "capacités" et les "potentialités" de l’Algérie par rapport aux autres Etats africains pouvant se porter candidats.

Cependant, la mort brutale du joueur camerounais, compatriote du puissant président de la CAF Aissa Hayatou, pourrait peser dans le balance, puisque la sécurité dans les stades est un facteur déterminant dans la nomenclature des conditions d’attribution de l’organisation, telle qu’établie par l’instance continentale.

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