AirAsia: le nouveau drame alimente les appels au pistage en temps réel

Avec la catastrophe du vol QZ8501 d’AirAsia, la question de la traçabilité des avions est à nouveau posée par les spécialistes de l’aéronautique, qui dénoncent le manque d’entrain de l’industrie du transport aérien pour les équiper de systèmes de localisation en temps réel.

Après la disparition énigmatique en mars du vol MH370 de la Malaysia Airlines avec 239 personnes à bord, le pistage en temps réel par satellite des avions ou la transmission automatique des données de vol avaient été cités comme pistes prioritaires.

L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), une émanation des Nations unies, avait décidé de travailler à des solutions pour mieux pister les avions. Mais aucune date-limite n’avait été fixée alors que ces systèmes représentent des coûts supplémentaires pour les compagnies aériennes, dont beaucoup connaissent des difficultés financières.

Mardi, un corps ainsi que des débris de l’appareil d’AirAsia disparu des radars dimanche avec 162 personnes à bord ont été localisés en mer de Java par les équipes de recherches qui survolaient la zone.

Les voix demandant des changements immédiats se font plus insistantes que jamais. Le pistage en temps réel "ne permettra pas de sauver des vies mais récupérer les débris et les boîtes noires dans un délai raisonnable pourrait permettre d’apporter des changements opérationnels et des procédures de sécurité susceptibles de sauver des vies", dit Scott Hamilton, de la société de conseil aéronautique Leeham Co, à l’AFP.

– "Mentalité du tombeau" –

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L’épave du vol Air France 447 effectuant la liaison entre Rio de Janeiro et Paris n’avait été localisé qu’en avril 2011, près de deux ans après l’accident qui avait fait 228 victimes. L’avion avait disparu dans une zone non couverte par les radars, englouti à 3.900 mètres de profondeur et les familles avaient également réclamé l’amélioration de la localisation des avions perdus en mer.

Dans un commentaire peu amène, Scott Hamilton a accusé l’OACI de "tergiverser depuis MH370 sur l’obligation de pistage en temps réel. Les régulateurs de l’aviation sont tristement célèbres pour leur mentalité du tombeau, à savoir, qu’il n’y a pas besoin d’améliorer la sécurité tant que les gens ne meurent pas", écrit-il.

L’industrie aéronautique se plaint du coût d’un suivi satellitaire mais en même temps investit des millions de dollars pour que les passagers puissent bénéficier de services à haut débit par satellite, souligne-t-il.

Robert Man, un consultant en aviation basé aux Etats-Unis, assure lui que les compagnies aériennes veulent "éviter d’agir maintenant" dans l’espoir "qu’à la fin des années 2020, les systèmes fondés sur l’utilisation des satellites soient meilleurs, plus rapides et moins coûteux".

"Je ne vois pas l’industrie mettre en oeuvre le pistage en temps réel si elle n’en reçoit pas l’obligation", comme cela avait été le cas pour l’industrie maritime, ajoute-t-il. En 1988, un amendement à la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer a rendu obligatoire le suivi en temps réel des bateaux, dit-il.

D’après l’OACI, les solutions techniques qui coûteraient moins de 100.000 dollars par avion existent déjà. L’opérateur satellitaire britannique Inmarsat a lui proposé un service de pistage élémentaire gratuit à toutes les compagnies d’avions de ligne du monde.

Certains experts estiment qu’il faut également améliorer les performances des balises de détresse dont sont équipés les avions, les transmetteurs de localisation d’urgence (Emergency Locator Transmitter, ELT) permettant de retrouver un appareil en cas d’accident.

Comme dans le cas du vols MH370, les secours ne semblent pas avoir dépisté de signal émanant de l’ELT de l’appareil AirAsia. "Même avec le MH370, le transmetteur n’a pas fonctionné. Pourquoi ne reçoit-on rien dans des incidents aussi graves que ceux-là?", demande Gerry Soejatman, un consultant basé à Jakarta. "L’ELT, c’est ce qu’on a de mieux pour le moment. Mais nous devons l’améliorer", dit-il.

Il faut aussi être patients, disent certains. "Même s’il y avait eu un consensus sur le pistage en temps réel après le MH370, les changements auraient pris pas mal de temps à être mis en oeuvre, en tout cas, plus d’un an", dit Terence Fan, spécialiste de l’aviation à Singapour.

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