Abou Bakr al Baghdadi, fondateur de l’EIIL, figure montante du djihad mondial

Abou Bakr al Baghdadi, fondateur de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), et figure montante du djihad mondial, reste à bien des égards un mystère, mais une chose est sûre, disent les combattants islamistes qui l’ont côtoyé, il est mû par une volonté implacable de fonder un Etat à la gloire de l’islam radical.

Malgré son pouvoir – il est désormais à la tête d’un vaste territoire en Syrie et en Irak – il reste dans l’ombre. Certains voient en lui le successeur d’Oussama ben Laden. Les Etats-Unis ont promis dix millions de dollars pour toute information conduisant à sa capture.

Il est sans pitié pour ceux qui s’opposent à son autorité. Si cela sert son projet, il n’hésite pas à se retourner contre d’anciens alliés.

Les combattants faits prisonniers – les non combattants aussi – sont habituellement tués par balles ou décapités. Leur mort est diffusée dans des vidéos qui distillent la peur et le dégoût parmi ses opposants.

"En bref, pour le cheikh Baghdadi, chaque religion a son Etat, sauf l’islam, qui doit avoir un Etat et qui doit être imposé. C’est très simple", dit un des membres non syriens de l’EIIL s’exprimant de Syrie.

L’offre de récompense américaine décrit un homme né dans la ville irakienne de Samarra en 1971, aux yeux bruns et au visage rond, la barbe rasée de près, le cheveu court et noir.

"DESIGNE PAR OUSSAMA"

D’après des sites djihadistes, il a un doctorat d’études islamiques de l’université de Bagdad et, après plusieurs années de combats avec des groupes liés à Al Qaïda, il est devenu le chef de l’Etat islamique en Irak en 2010.

Un an plus tard, profitant du début du soulèvement contre le président syrien Bachar al Assad, Abou Bakr al Baghdadi dépêche un conseiller par delà la frontière pour y implanter Al Qaïda.

Ce conseiller, Abou Mohamed al Golani, crée le Front Al Nosra qui gagne rapidement sa notoriété en organisant une série d’attentats meurtriers à la voiture piégée. Il est aussi réputé comme le plus efficace de ceux qui combattent Bachar al Assad.

Mais Abou Mohamed al Golani refuse de placer ses combattants sous l’autorité d’Abou Bakr al Baghdadi. Ce dernier lance alors l’offensive contre le Front al Nosra et entérine par la même occasion sa rupture avec le chef d’Al Qaïda, l’Egyptien Ayman al Zaouahri.

Pour les partisans de Baghdadi, l’affrontement de leur mentor avec le chef d’Al Qaïda, légitime mais peu présent sur le terrain, n’est pas une surprise.

Quand le fondateur d’Al Qaïda, Oussama Ben Laden, a été tué par les forces américaines au Pakistan il y a trois ans, Baghdadi, raconte le membre non syrien de l’EIIL, a été le seul à ne pas avoir prêté allégeance à Zaouahri. "Il a été désigné par cheikh Oussama pour établir l’Etat, c’était son plan avant qu’il ne soit tué", affirme-t-il.

Selon les pro-Baghdadi, Ayman al Zaouahri craint qu’un Etat islamiste qui regrouperait les combattants djihadistes en un même lieu ne soit plus facile à vaincre par l’Occident.

Ignorant les appels de Zaouahri à laisser la Syrie au Front al Nosra, Abou Bakr al Baghdadi étend ses opérations dans les parties nord et est de la Syrie en 2012 et 2013, affrontant parfois l’armée syrienne, mais plus souvent les autres rebelles.

IMPITOYABLE

L’attitude impitoyable de l’EIIL envers les Syriens ordinaires lui vaut de se faire beaucoup d’ennemis. Et, fin 2013, le Front al Nosra et d’autres brigades islamistes se liguent contre lui, l’obligeant à se replier dans son fief, le long de l’Euphrate, dans les déserts pétrolifères de l’Est syrien.

Ce repli n’affaiblit pas l’EIIL. Au contraire. Il asseoit son contrôle sur la ville de Rakka, seule capitale provinciale syrienne totalement hors du contrôle de Bachar al Assad. La loi islamique y est désormais en vigueur.

Dans la province voisine de Deïr al Zour, l’EIIL a mené une offensive de six semaines contre des rebelles rivaux lors de laquelle 600 combattants ont été tués. Il s’est emparé de gisements pétroliers et de localités sur la rive nord-est de l’Euphrate, à 100 km de la frontière irakienne.

Le pétrole vendu au marché noir permet d’engranger des millions de dollars, disent les rebelles. Si l’on y ajoute les armes et l’argent saisis lors de la prise de la ville irakienne de Mossoul mardi, Baghdadi dispose désormais de vastes ressources. Son influence s’étend au delà de la Syrie et de l’Irak. Au détriment du chef d’Al Qaïda.

"Il est en train de devenir très populaire parmi les djihadistes. Il est vu comme celui qui mène la guerre de l’islam", dit un combattant du Front al Nosra à Alep.

"Il a reçu des lettres d’allégeance d’Afghanistan et du Pakistan", ajoute-t-il. "Je pense que c’est trop tard pour le cheikh Zaouahri".

LA FIN D’AL QAIDA ?

Pour ses partisans, Baghdadi représente la nouvelle génération de combattants venue remplir la prochaine étape du projet d’Oussama ben Laden, transformer Al Qaïda, qui signifie base en arabe, en un véritable Etat.

"Cheikh Baghdadi et cheikh Oussama sont pareils. Ils regardent toujours devant. Ils veulent tous deux un Etat islamique", dit un combattant syrien de l’EIIL.

D’autres vont plus loin. Avec l’Etat islamique en Irak et au Levant, l’Al Qaïda d’Ayman al Zaouahri n’a plus lieu d’être.

"Le groupe Al Qaïda n’existe plus. Il a été formé comme une base pour l’Etat islamique et maintenant que nous l’avons, Zaouahri devrait faire allégeance à cheikh Baghdadi", dit le combattant non syrien de l’EIIL.

Un autre djihadiste, qui se dit proche de Baghdadi, affirme que Zaouahri assiste impuissant à la montée du chef de l’EIIL, à l’affût d’un éventuel faux pas, mais que, quoi qu’il en soit, l’Egyptien n’est plus le chef.

Parmi les armes utilisées par Baghdadi, figure celle des combattants étrangers, notamment les Européens et les Américains. Il les entraîne, leur fixe un but, leur apprend à être sans pitié.

Ils sont utiles sur le champ de bataille syrien. Ils rentreront peut-être aussi un jour chez eux, anciens combattants ayant suffisamment d’expérience pour recruter d’autres candidats au djihad et organiser des attentats pour Baghdadi hors du monde musulman.

Selon des islamistes de plusieurs régions de Syrie, les hommes de Baghdadi portent une ceinture d’explosif au quotidien.

Dans une vidéo diffusée sur internet, on voit des combattants de l’EIIL, dont certains ne semblent pas parler arabe, exécuter plusieurs hommes. Deux des victimes récitent la Chahada, la profession de foi musulmane.

Selon de nombreux religieux, il est interdit de tuer quelqu’un en train de réciter la Chahada. Mais les hommes de Baghdadi ont une règle simple : quiconque se met en travers de leur chemin doit être éliminé, quelle que soit sa religion.

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