La déchéance de nationalité, arme de guerre contre le terrorisme !
L’idée était dans l’air depuis longtemps. Elle faisait peur, tant son application constituait un tournant irréversible. Déchoir de sa nationalité française un jeune français d’origine étrangère, impliqué dans des activités terroristes, avait suscité un vif débat entre une droite qui voulait rajouter cette mesure à son arsenal répressif contre le phénomène de radicalisation qui touche des milliers de jeunes français et une gauche qui conservait des relents d’égalitarisme républicain et qui craignait qu’une telle voie ne fissure le pacte national.
Par Mustapha Tossa
Le tournant psychologique et politique a sans doute eu lieu avec les attentats contre Charlie Hebdo et la supérette casher. Même s’il n’y a pas de lien mécanique entre la validation du conseil constitutionnel et les attentats de Paris, une sorte de grande césure a opéré au sein de l’approche française. Comment lutter contre ce monstre invisible qui séduit, lave les cerveaux et embrigade des jeunes français pour les transformer en arme de guerre en Irak et en Syrie et en outils de terreur en Europe ? Comment stopper ce lugubre appel, amplifié par les réseaux sociaux, et qui s’empare des esprits les plus fragiles pour en faire des djihadistes?
De nombreuses pistes, relativement traditionnelles, ont été proposés, allant du contrôle d’Internet au processus de" déradicalisation", passant par une attention particulière prêté au monde carcéral pointé comme un lieu de formation et d’initiation au Jihad. Celle de la déchéance de la nationalité traduit une envie d’aller très loin dans l’éradication des comportements terroristes. La droite a bruyamment applaudi la mesure et appelle à lui donner une pérennité institutionnelle dans le cadre d’une loi pour que son effet dissuasif fonctionne efficacement. Laurent Wauquiez, secrétaire général de l’UMP, fut le premier à dégainer: "Il ne peut plus y avoir de débat sur ce sujet: il ne peut y avoir de place sur le territoire de la République pour les terroristes qui ont déclaré la guerre à la France et à son mode de vie".
Sonnée par les attentats contre Charlie Hebdo, la gauche morale et républicaine a observé un silence gêné. Des commentaires timides ont tenté d’alerter l’opinion que si sa lutte impitoyable et déterminée l’emmène vers ces solutions, les prometteurs de la démarche terroriste peuvent se frotter les mains d’avoir réussi à faire bouger les lignes rouges du pacte républicain. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve fut un de ceux qui ont pris conscience de ce risque :"La lutte contre le terrorisme doit se faire dans le principe général du droit, des principes constitutionnels et des libertés publiques (…) Autrement nous organiserions la victoire des terroristes face à la démocratie et à la République".
D’autant que cette mesure ne touche que les binationaux et non les français "d’origine". Pour ces nationaux, Manuel Valls a invité ses pairs à une réflexion sur une peine qui porterait l’intitulé " d’indignité nationale" et qui serait l’équivalent de la déchéance de nationalité pour les binationaux. Mais cette peine aussi ne semble pas susciter une unanimité. Christiane Taubira, ministre de la Justice, a fait part de ses réserves qui en disent long sur les fractures à venir : " Ce n’est pas un symbole que moi j’aurais revendiqué (…) Ça serait effectivement un acte symbolique mais les symboles portent leur charge".
La déchéance de la nationalité jette un effroi sur les grandes consciences républicaines françaises. La grande angoisse est que, aveuglées par une guerre légitime contre les promoteurs de la terreur, les structures de l’Etat ne puissent commettre des injustices et des erreurs qui plongeraient la mémoire collective dans les plus sombres heures de son histoire. Déchoir serait d’une grande régression qui signerait aussi la victoire des terroristes.