Emmanuel Macron ou la difficulté d’exister
Dans son interview parue dans le journal du dimanche, Alain Juppé, candidat aux primaires des Républicains, a eu la dent dure contre Emmanuel Macron. Réagissant à l’idée d’envisager de le prendre dans son équipe gouvernementale, Alain Juppé l’a écarté d’un revers de la main. Il n’en est pas question car selon lui, Emmanuel Macron n’est ni « compétent ni loyal ». C’est sans aucun doute la charge la plus violente jamais lancée contre l’homme qui espère incarner le renouveau de la vie politique française.
Par Mustapha Tossa
En attendant l’heure des vérités, Emmanuel Macron subit un double désaveu. La droite lui fait un procès en incompétence au vu de son bilan économique très contestable, parce que par ricochet celui de François Hollande. Et la gauche lui fait un procès en trahison au vu des postures déloyales qu’il a eues à l’égard de son bienfaiteur, l’actuel locataire de l’Elysée. Ceux qui ont misé sur Emmanuel Macron sont convaincus que la manière traditionnelle de faire de la politique a vécu et que les Français ont soif de styles neufs pour redonner une nouvelle dynamique à leurs rapports à la politique. Partant de cette conviction, ils pensaient qu’il suffisait qu’un homme jeune, bien propre sur lui, excellent client pour magazine People, avec un passé de banquier et une courte expérience de conseiller du prince et de ministre de l’économie, suffirait à susciter cette envie et ce désir.
Emmanuel Macron tente de faire entendre sa propre musique sur des sujets identitaires qui enflamment la scène politique française comme le débat sur la laïcité: "Quand certains réclament des menus dans les écoles sans aucun accommodement et veulent que tous les enfants mangent du porc, ils pratiquent une laïcité revancharde dangereuse (…) Au titre d’une laïcité revancharde, on en vient à sortir des citoyens des lieux de la République et à les confiner à l’écart, sans enrayer la montée du fondamentalisme, ni conforter la laïcité". Cette musique particulière de Macron a déjà été entendue aussi à l’occasion du débat sur la déchéance de la nationalité. A l’époque, il s’était crânement opposé à François Hollande et à Manuel Valls sur le sujet.
Entre Emmanuel Macron et Manuel Valls, la compétition tourne à la guerre de tranchées. Il faut dire que les deux personnalités se sont alignées dans la ligne de départ dans l’attente de la décision de François Hollande. Si ce dernier décide de jeter l’éponge comme certains lui en prêtent l’intention, le premier ministre se voit comme la seule solution de rechange pour incarner les espoirs de la gauche de conserver le pouvoir. D’ailleurs, depuis le début de l’émergence du phénomène Macron, Manuel Valls a été le détracteur en chef. Il l’a longtemps fait en coulisse avant d’assurer publiquement son rejet et son opposition aux ambitions du jeune Macron. Récemment Manuel Valls avait fait ce constat :
"Macron n’est pas un élément négligeable (…) Sa logique aboutit de toute façon à détruire la gauche (…) Macron est dans une stratégie d’empêchement."
Alors qu’Arnaud Montebourg, le trublion de la gauche fondeuse, vient d’officialiser sa participation aux prochaines primaires socialistes, signalant par la même occasion son retour au bercail après avoir été tenté par une grande rupture, Emmanuel Macron ne peut en l’état actuel des rapports de forces, envisager cette même participation. Même s’il décide d’y aller comme de nombreux signaux le laissent prévoir, il le fera sous la bannière de son mouvement " En Marche", loin des structures du parti socialiste. D’abord parce que lui même avait dit qu’il n’était pas de gauche, ensuite le rejet à sa personne chez les socialistes est tenace.