Musulmans de France, entre pressions et postures
Depuis les effroyable attentats de Nice et de l’église de Saint-Etienne de Rouvray au cours desquels des terroriste ont tué massivement des dizaines de civiles et égorgé froidement un prêtre, les musulmans de France se sont retrouvés sous le feu d’une lancinante actualité … Il est vrai que depuis quelques années déjà, ils en occupaient le fronton à cause de la conjugaison de plusieurs facteurs …les vagues d’immigration en provenance de Syrie et de Libye. Les attentats terroristes qui ont frappé Paris et Bruxelles, la persistance crise économique et identitaire… Tous ces facteurs ont participé à créer une atmosphère inédite où les musulmans de France ont concentré toutes les attentions et où l’islam de France est sujet central de tous les débats.
Par Mustapha Tossa
Dans cette atmosphère, la réactivation de la Fondation de l’islam de France apparaît à certains comme la recette miracle pour organiser aussi bien la problématique des financements des Mosquées que les autres rituels du culte musulman. Le projet de cette fondation a été lancée médiatiquement dans le sillage de l’offensive menée par Manuel Valls pour restructurer l’espace musulman français et le sortir de la situation de dépendance financière et d’asservissement idéologique qui favorisent l’intrusion de discours radicale et sa dangereuse séduction sur certains jeunes.
Cette relance de la fondation de l’islam de France commence déjà faire grincer les dents. La volonté de rajeunir l’élite qui encadre l’islam de France et de coopter un leadership jeune et plus en prise avec la réalité française a été perçue par certaines organisations qui avaient pignon sur rue auprès du ministère de l’Intérieur et des cultes comme une volonté de mettre à l’écart les structures traditionnelles pour les remplacer par de nouveaux leviers censés garantir une financement plus transparent du culte musulmans et une production plus encadrée du discours religieux.
D’un autre côté, des appels se sont multipliés pour demander aux musulmans de France de se positionner par rapport à ces actes violents, de ne pas se limiter à des dénonciations traditionnelles de principe. Il leur est demandé d’imaginer des actes et des comportements qui éloignent cette accusation diffuse de milieu incubateur et complice avec ces horribles attentats.
Mais une des charges les plus polémiques fut initiée par le Premier ministre Manuel Valls lui même. Endossant son costume d’homme de gauche sans concessions, il lance cette phrase qui fera date :"Si l’islam n’aide pas la République (…), il sera de plus en plus dur pour la République de garantir ce libre exercice du culte". Et de faire ce constat qui fait couler beaucoup d’encre puisqu’il donne cette soudaine impression d’être un grand coup dans la fourmilière: "Tous les salafistes ne sont pas des djihadistes, mais presque tous les djihadistes sont des salafistes " Avant d’enfoncer le clou avec une calète inédite dans le discours politique traditionnel de la gauche, qu’elle soit au pouvoir ou dans l’opposition: "De nombreux musulmans de France sont pris en otages par le fondamentalisme, le salafisme, les Frères musulmans, qui font de leur culte un étendard, une arme contre les autres".
Entre ceux qui ont applaudi cette ferme détermination du Premier ministre y voyant une prise de conscience de véritables menaces qui pèsent sur la France et ceux qui se sont émus de son ton ferme et menaçant, le grand débat aujourd’hui en France tourne autour de ce constat: l’exigence de clarification demandée aux musulmans de France, si sains et salvateurs soient ces objectifs, est de nature à jeter un invisible voile de culpabilité sur l’ensemble du fait musulman français et européen. Le dosage des expressions publiques, des pressions politiques, des postures médiatiques semble incontournable pour éviter une grande confusion dans les opinions échaudées par cette épreuve inédite que traverse le vivre ensemble sur les territoires européens.