L’organisation fondée par Oussama ben Laden entretient déjà des liens avec des groupes tels qu’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au Sahel ou les rebelles shebab en Somalie et influence, au moins idéologiquement, la secte islamiste nigérianne Boko Haram.
Le cauchemar des services anti-terroristes occidentaux et africains serait qu’une coopération opérationnelle s’établisse entre ces trois organisations, au-delà des contacts ponctuels qu’elles ont eus ces dernières années.
"Les shebab, Aqmi et Boko Haram constituent chacun une menace mais ce qui m’inquiète vraiment serait l’intention de ces organisations de coordonner et synchroniser leurs efforts", a récemment indiqué à Washington le général Carter Ham, chef des forces américaines en Afrique.
L’explosion des trafics d’armes dans les pays du Sahel et la démobilisation de centaines de guerriers touaregs pro-Kadhafi, qui pourraient être disposés à de nouvelles aventures, viennent encore noircir le tableau.
Selon l’ONG Human Rights Watch (HRW), des milliers de tonnes d’armes et de munitions sont dispersées en Libye dans des dépô ts laissés sans surveillance, sans que ni les nouvelles autorités, ni l’OTAN, ne puissent les mettre à l’abri des pilleurs.
Un attentat le 26 août contre le bâtiment des Nations unies à Abuja, qui a fait 23 morts, est venu renforcer la crainte des responsables occidentaux.
Selon la police nigérianne, il serait l’oeuvre de Mamman Nur, un Nigérian né de parents tchadiens, considéré comme le numéro 2 de Boko Haram.
Il aurait trouvé refuge auprès des shebab en Somalie avant de revenir au Nigéria fin juillet et d’organiser cette attaque à la voiture piégée, suivant un mode opératoire rappelant la technique Al Qaïda.
Boko Haram est connu également pour avoir eu des contacts au cours des dernières années avec Aqmi –dont rien ne prouve, en revanche, qu’il ait eu des liens directs avec les shebab.
John Brennan, le principal conseiller du président Obama pour l’antiterrorisme, a récemment rappelé qu’Al Qaïda "a traditionnellement profité des zones de conflit, où règne le chaos. Ce sont des sanctuaires d’où lancer des attaques. La Somalie est l’une des zones les plus dures au monde, ravagée par la guerre et la famine. Al Qaïda a régulièrement tenté d’en tirer avantage".
Les relations entre shebab somaliens et membres d’Al Qaïda (notamment yéménites) sont anciennes, même si le fossé culturel a parfois rendu difficile leur coopération.
Mi-octobre, une vidéo est apparue sur des sites jihadistes dans laquelle un jeune homme masqué, présenté sous le nom de Abou Abdoullah al-Mouhajir ("L’étranger"), filmé dans une zone contrô lée par les shabab, affirmait en anglais avoir été envoyé par Ayman al-Zawahiri, successeur de ben Laden à la tête d’Al Qaïda.
Pour Roger Middleton, spécialiste de l’Afrique de l’Est au centre de réflexion londonien Chatham House, si le danger d’une collusion entre les shebab et Al Qaïda existe, il n’est pas avéré pour l’instant.
"Certains chefs des shebab sont acquis au jihad global, certains ont combattu en Afghanistan et il y a certainement des liens internationaux, mais ils sont très occupés en Somalie" dit-il à l’AFP. "Il y a probablement des similarités idéologiques, mais je n’ai pas de preuve de coopération opérationnelle".
Pour autant, la pression exercée sur ce qui reste du commandement central d’Al Qaïda dans la zone pakistano-afghane, notamment par les incessantes attaques de drones américains, pourrait pousser des membres du réseau à chercher de nouvelles bases de repli.
Et le Sahel, avec ses immensités désertiques où Aqmi dispose de bases pour l’instant inexpugnables pourrait les attirer: un émissaire d’Oussama ben Laden a ainsi passé, il y a quelques années, plusieurs mois dans les maquis algériens du GSPC, l’ancêtre d’Aqmi.