L’émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe rencontre mercredi au Caire le chef de la Ligue Nabil al-Arabi avant de gagner Damas samedi pour "une tâche très difficile, un défi ardu", selon ses propres termes.
Kofi Annan a défini son mandat de façon large dès sa première conférence de presse: faire cesser les heurts, combats et bombardements qui ont fait au moins 7.500 morts, faire entrer l’aide humanitaire, "trouver avec les Syriens une solution pacifique qui respecte leurs aspirations et qui stabilise le pays".
Pour l’International Crisis Group, "ses chances sont minces mais il représente aujourd’hui le meilleur espoir" d’une solution négociée, un espoir qui "ne doit pas être gâché". "Chaque jour de violence et chaque nouvelle victime fait reculer la possibilité d’un règlement politique", estime Louise Arbour, présidente de ce groupe d’experts.
"Même s’il n’y a que cinq pour cent de chances de réussite, nous devons essayer", résume un ambassadeur occidental.
M. Annan a des atouts: une stature d’ancien secrétaire général de l’ONU (1997-2006), des talents de médiateur et des prises de position critiques envers la guerre du Golfe et l’intervention de l’Otan en Libye qui lui valent d’être considéré comme un interlocuteur honnête, y compris par les alliés de Damas.
Après l’avoir rencontré à New York, l’ambassadeur iranien à l’ONU, Mohammad Khazaee, confiait avoir été frappé par "sa forte détermination à traiter le dossier syrien de manière indépendante et sans a priori". "Etant donné la perception fine des problèmes qu’a M. Annan et sa personnalité fort estimée, nous pensons qu’il peut jouer un rô le efficace".
Pour Richard Gowan, de l’Université de New York, "Annan est mieux placé pour faire valoir la protection des civils en Syrie parce qu’il a exprimé des doutes sur la Libye".
Mais son problème, ajoute-t-il, est qu’il représente à la fois l’ONU et la Ligue arabe, deux institutions elles-mêmes divisées entre interventionnistes (Arabie saoudite, Qatar) et attentistes.
"Ce sont les Russes qui détiennent la clé" du succès pour Kofi Annan, assure un diplomate occidental. "Vont-ils prendre leurs distances envers lui (ou) le voir comme nous le voyons, c’est-à-dire comme la meilleure chance de briser le cercle de la violence?".
Au lendemain de l’élection de Vladimir Poutine, Européens et Américains ont exhorté Moscou à remettre en cause son soutien indéfectible à Bachar al-Assad.
A cet égard, l’envoi par Moscou et Pékin d’émissaires au Proche-Orient –le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov au Caire et un ancien ambassadeur chinois à Damas– fait planer un doute. Kofi Annan lui-même a estimé "extrèmement important (..) qu’il n’y ait qu’un seul processus de médiation".
Mais l’important au fond, commente un diplomate, est que "Russes et Chinois fassent passer le bon message" au président syrien.
Du point de vue tactique, analyse Michael Wahid Hanna de la Century Foundation, Kofi Annan a intérêt à commencer par le volet humanitaire de sa mission: "Négocier un cessez-le-feu ou au moins une trève qui permette l’accès humanitaire, puis établir (en Syrie) une présence plus permanente, une équipe d’évaluation".
"Il est trop tô t, ajoute-t-il, pour parler de transition politique suivant le plan de la Ligue arabe: le régime n’est pas réceptif et l’opposition ne ressent aucune urgence" à négocier après des mois de répression féroce.