Il a été interpellé jeudi matin au domicile de sa compagne Dominique Lucciardi à Six-Fours (Var), avec laquelle il a eu deux enfants, dans le cadre d’une enquête judiciaire pour "homicide et blessures involontaires".
"Il a toujours voulu être premier", dit de lui son avocat, Me Yves Haddad. Né à Tarbes (sud-ouest) le 24 mai 1939, il a d’abord fait "+12 métiers, 13 misères+", après des études secondaires de mathématiques.
Il fait son service militaire en Algérie, puis "un peu d’épicerie, un tas de boulots", travaille pour une société d’assurance, vendra aussi plus tard du vin et du cognac, d’après le récit qu’il a livré aux enquêteurs.
En 1965, il devient visiteur médical, c’est à dire qu’il fait la promotion de médicaments auprès des médecins, avant d’entrer au sein du groupe pharmaceutique américain Bristol-Myers, où il passe 10 ans.
Un tournant intervient en 1982: sa rencontre avec Dominique Lucciardi, qui gère une société d’implants mammaires travaillant avec un chirurgien esthétique de Toulon, Henri Arion, inventeur en 1965 d’une prothèse gonflable remplie de sérum physiologique.
Ce dernier est décédé en 2004 dans un accident d’avion et les laboratoires Arion, dirigés par son fils, ne disent rien de ces relations passées.
Mais comme Mas l’a expliqué aux gendarmes, c’est bien une formule de son mentor qu’il reprend pour réaliser son gel "maison", désormais au centre d’un scandale planétaire.
Après avoir travaillé neuf ans dans l’entreprise, où il fait "tout, de la recherche et développement, de la production et même balayeur", Jean-Claude Mas fonde la sienne en 1991, Poly Implant Prothèse (PIP), dans un secteur en plein essor.
Deux ans plus tard, bien avant le scandale actuel, il donne déjà "l’ordre de dissimuler la vérité" de sa production à la société allemande TÃœV, spécialisée dans le contrô le qualité, qui certifie ses implants et permet leur commercialisation.
Dans les années 1990, PIP remplit ses prothèses d’hydrogel et de sérum physiologique, mais la qualité n’est pas là, ce qui lui vaut des procès en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. En 2000, les autorités américaines tirent d’ailleurs la sonnette d’alarme après une inspection dans les locaux de PIP.
Mais rien n’y fait. Dès la réautorisation du silicone en France, en 2001, Mas opte pour la fraude, à des fins de rentabilité, mettant au point un gel différent du gel américain Nusil qu’il déclare à TÃœV. Il utilise le sien, moins cher, dans 75% des implants, économisant jusqu’à un million d’euros par an aux dires de l’ex-directeur technique de PIP.
Une manoeuvre qu’il dissimule lors des contrô les de TÃœV en demandant aux employés de cacher des fûts et en présentant de fausses données commerciales préparées sur une clef USB. "La routine", dira-t-il.
Dans le même temps, il multiplie les initiatives. En 2001, le journal économique Les Echos rapporte que PIP lance un modèle qui doit lui rouvrir les portes des Etats-Unis: une prothèse asymétrique, différente à droite et à gauche, offrant "des résultats esthétiques exceptionnels".
Dans la région, PIP fait figure "d’entreprise innovante". C’était "un fleuron, une belle boîte", dit un acteur économique local.
Mais l’affaire se complique à partir de 2005, quand les ruptures d’implants commencent à se multiplier.
Jean-Claude Mas, qui nie toujours la toxicité de son gel, en essaie un nouveau, concocté par un chimiste à qui il promet "un superbe voyage" s’il lui trouve la formule magique. Qui n’empêche pas l’entreprise d’être liquidée en 2010, ni le scandale d’éclater.
Depuis, le septuagénaire, qui disait aux enquêteurs ne pas être "un homme d’argent", avait choisi de ne pas faire d’apparition publique, retranché dans la luxueuse villa où il a été arrêté jeudi.