Les deux hommes ont eu à vivre ce grand coup d’arrêt à Saint Petersburg lors du sommet du G 20. Barack Obama a du subir les assauts politiques et psychologiques d’un Vladimir Poutine revigoré par la crise syrienne, certain de son fait au point d’accuser l’opposition syrienne d’avoir été à l’origine de l’utilisation de l’arme chimique et de défier le couple franco américain d’apporter la preuve contraire avec promesse fracassante de participer à une opération internationale sous l’égide de l’ONU. Quant à François Hollande, lui qui comptait sur ce grand sommet russe pour mobiliser ses alliés et son voisinage européen, il dût ressentir l’ampleur de sa solitude lorsque les principales composantes de la famille européenne ont publiquement pris leur distance à l’égard de sa démarche guerrière et critiqué ouvertement ses choix et sa stratégie.
Devant cette hésitation américaine et ce refus européen, François Hollande s’est soudain retrouvé obligé de revoir l’ensemble de son argumentaire. Dans sa conférence de presse de clôture du G20, tout était dit. Alors qu’il avait auparavant une allures de général conquérant à qui la guerre au Mali a redonné confiance et fait briller ses médailles de guerre, François Hollande était transformé. Tassé sur sa chaise, il a énuméré les signes de son virage stratégique, notamment, attendre le rapport des experts des Nations unies pour décider des frappes. Si le congrès US dit non à la guerre, La France ne pourra pas y aller toute seule. La référence aux Nations Unies par François Hollande fut si ostentatoire que la conviction était vite installée que le président Francois était contraint de revoir sa religion en la matière.
François Hollande, l’apôtre de la guerre punitive contre Bachar Al Assad, n’a pas eu la tâche facile. Trois niveaux de complication lui brouillent la vue et entache la stratégie. Le premier est celui d’une guerre contre la Syrie, qui au lieu de se monter comme une classique opération internationale se transforma rapidement en un enjeu de politique interne a travers lequel l’opposition de droite ambitionne de l’affaiblir et de marquer des points. Le second est celui de ses amis européens, notamment allemands , qui au lieu de lui apporter aide politique et assistance militaire, refusent son opération et accentuent son isolement. Le troisième niveau est la grande surprise du moment. Il s’agit de la réaction de l’Eglise.
Le Vatican et le pape François ont multiplié les démarches et les signes pour signifier au Monde entier leur opposition à toute intervention militaire contre la Syrie. Il est vrai que la position originale de l’église sur ce conflit n’est pas le fruit d’une brusque sympathie entre le Pape François et le dictateur de Damas. Elle est le fruit d’une analyse et conviction profondément installées dans les arcanes du Vatican que les premières et inévitables victimes de cette guerre annoncée sur la Syrie seront les chrétiens d’Orient. Les chrétiens d’Irak et la grande épreuve qu’ils ont traversée, obligés pour beaucoup à l’exil ou à subir les pires exactions, sont là pour rappeler les tragédies à venir.
Même si le Pape ne peut empêcher une guerre si elle doit avoir lieu, son magistère moral aura ce dangereux effet de la priver de cette adhésion symbolique que tout engagement militaire nécessite pour se dérouler dans de bonnes conditions et parfaire ses objectifs. Sans compter que l’impact évident de la parole de l’église sur la formation des opinions participe à élargir le cercle des opposants à cette intervention militaire et à mettre François Hollande dans l’embarras.
Barack Obama est condamné attendre le verdict du Congrès, dont certains commencent à susurrer dans la presse américaine que le président souhaite secrètement qu’il s’oppose à cette opération. François Hollande est condamné à slalomer entre les oppositions et les réticences au risque d’apparaître parfois comme un obsessionnel va-t-en guerre. Les deux hommes vont s’adresser cette semaine à leurs opinions. Auparavant, ils ont lancé dans l’arène leurs ministres des affaires étrangères , Laurent Fabius et John Kerry, pour amplifier la partition de l’émotion et de l’indignation.
Une punition nécessaire, méritée et largement justifiée mais une guerre privée de l’indispensable adhésion populaire pour supporter ses coûts et ses possibles conséquences … Telle est la séquence dans laquelle se trouvent Barack Obama et François Hollande. Un retour en arrière est impossible et fera figure de reniement politiquement mortel. Une accélération de la guerre, déjà difficile à vendre, aura un impact impossible à prévenir et a contenir. Ou comment choisir entre la malédiction du reniement ou le possible chaos de la guerre…