Elu en mars 2000 pour 7 ans, une révision de la Constitution en 2001 fixe à cinq ans le mandat du chef de l’Etat, renouvelable une seule fois.
Après sa réélection en 2007, une nouvelle révision constitutionnelle réintroduit le septennat.
Le président Wade, 85 ans, a été le premier à faire part de sa volonté de briguer un nouveau mandat en février 2012, promettant de "terrasser" ses opposants "dès le premier tour" avec un score supérieur à 2007, lorsqu’il a été réélu avec plus de 54 %.
Cette candidature est toutefois vivement contestée par les partis de l’opposition, la société civile et des constitutionnalistes qui avancent une limitation à deux du nombre de mandats dans la Constitution de 2001.
Des manifestations ont eu lieu dernièrement dans plusieurs régions du pays et le "Mouvement du 23 juin" est né dans la foulée pour mener le combat contre cette candidature du président sortant.
A quelques semaines du début de dépô t des candidatures pour ce scrutin, les partis de la mouvance présidentielle ont décidé de porter le combat sur le front du droit, en conviant à Dakar d’éminents constitutionnalistes étrangers pour un séminaire sur la recevabilité de la candidature de leur dirigeant.
Le constat est sans appel: La recevabilité de cette candidature ne souffre d’aucune ambiguïté sur le plan juridique et du droit, car de l’avis de ces constitutionnalistes, le décompte du nombre des mandats présidentiels commence en 2007, et non en 2000, selon le principe de la non-rétroactivité de la loi.
"Seule l’élection de 2007 doit être prise en considération dans le décompte des renouvellements du mandat présidentiel, puisque cette élection s’est faite sous l’empire de la Constitution du 22 janvier 2001, qui limite le nombre desdits mandats", a tranché Charles Zorgbibé, professeur agrégé de droit public à la Sorbonne.
"Cette interprétation est la seule logique. Selon le socle commun de toutes les démocraties de type démocratie libérale fondées sur le respect de l’Etat de droit, une nouvelle disposition dispose pour l’avenir, mais n’a pas d’effet rétroactif", argue-t-il, estimant en conséquence que la recevabilité de la candidature du président Wade "semble évidente".
Pour lui, la candidature de Me Wade "doit être admise, car elle s’appuie sur des arguments juridiques forts".
Même minoritaires, les opposants à cette candidature, dans le cercle des constitutionnalistes conviés à ce séminaire, ont tenu à faire entendre leur voix, au grand dam du parti au pouvoir et de ses partisans.
L’ancien ministre de la Justice, Seydou Madani Sy, a jeté un pavé dans la mare en soutenant que Me Wade "ne peut pas se porter candidat pour un autre mandat de président de la République du Sénégal parce qu’ayant déjà exercé deux mandats comme le limite la Constitution".
"Le président de la République a été élu en 2000 et la nouvelle Constitution de 2001 considérait son premier mandat en cours comme le premier de la série de deux mandats qu’il ne peut dépasser", a analysé M. Sy, qui est le premier professeur sénégalais agrégé en droit public, ajoutant que "c’est le premier mandat du président élu en 2000 qui entre en ligne de compte dans le décompte des mandats qui lui sont applicables" et qui fait qu’en 2007, Me Wade briguait son deuxième mandat de président du Sénégal.
Pour trancher le débat, certains proposent de recourir à un référendum
"Le seul moyen de faire arbitrer cette question est de retourner à la source, c’est-à-dire, par élection faire arbitrer le débat par le peuple souverain", a préconisé le Pr Jean Yves de Carra, de la faculté de droit de l’université Paris Descartes.
Les partisans de Me Wade ne cachent pas leur satisfaction des conclusions de ce séminaire, mais disent attendre désormais le verdict du Conseil constitutionnel, le seul habilité à valider les candidatures à l’élection présidentielle.
A l’issue du séminaire, le Premier ministre sénégalais Souleymane Ndéné Ndiaye a déclaré qu’"il faut maintenant accepter la vérité. La vérité, c’est que la recevabilité de la candidature de Wade ne souffre d’aucun doute".
"Laissons maintenant le soin aux juges constitutionnels de trancher le débat", a affirmé M. Nidaye, qui a été désigné par le président sortant son directeur de campagne pour cette élection.
En attendant la sentence de ces juges, la polémique continue d’enfler et les partis de l’opposition ne sont pas prêts à lâcher du lest.
Après avoir fait campagne dans plusieurs capitales contre cette candidature, ils ont averti qu’ils feraient descendre leurs partisans dans la rue si elle était entérinée par le Conseil constitutionnel.