Mariée à un prêtre copte, Camilia Zakher a disparu pendant cinq jours, avant d’être localisée vendredi dernier par les services de sécurité chez une amie. La jeune femme, qui avait fui à la suite d’une dispute, a été contrainte de rejoindre, sous escorte, le domicile conjugal.
Entre-temps, cette disparition a mis en ébullition une partie de la communauté copte, qui compte pour 6 à 10% des 80 millions d’Egyptiens.
Face aux rumeurs d’enlèvement et de tentative de conversion à l’islam, plusieurs manifestations virulentes ont été organisées au Caire et dans la province de Minya (sud), d’où est originaire la jeune femme.
En Egypte, bien que présents au gouvernement et au Parlement, les coptes s’estiment victimes d’une marginalisation croissante et sous la menace de la progression d’un islam rigoriste. Ils affirment être tenus à l’écart de certains postes-clés de l’armée, la police, la justice ou des universités.
L’exemple de Camilia Zakher a aussi mis en lumière la promptitude de l’appareil sécuritaire à se saisir d’un cas porteur de tensions confessionnelles, quand bien même il ne s’est agi au final que d’une banale affaire conjugale.
"Si les responsables de l’Eglise et des services de sécurité s’accordent pour dire que Camilia (Zakher) n’a pas été enlevée mais a quitté son domicile de son plein gré, sur quelle base légale, les services de sécurité (…) l’ont-elle reconduite chez elle?", s’interroge par ailleurs Ishaq Ibrahim, de l’Initiative égyptienne pour les droits individuels (EIPR).
L’Eglise copte, qui a publiquement remercié les services de sécurité d’avoir reconduit la jeune femme, apparaît particulièrement conservatrice.
En mai, une décision de la Haute cour administrative -annulée depuis- avait provoqué sa fureur. Par ce jugement, l’Eglise se voyait en effet dans l’obligation d’autoriser le remariage de ses disciples.
"Nous n’accepterons rien qui aille à l’encontre de la Bible. La justice a rendu un jugement civil. Or, le mariage est un acte religieux", avait clamé le patriarche Chenouda III, 86 ans.
Avec les crispations entre chrétiens et musulmans, mais aussi la détérioration de la situation politique et économique, l’extrémisme gagne du terrain au sein de chaque confession, s’alarment certains observateurs.
"L’Egypte est devenue un pays fanatique où la haine existe dans les deux camps (…). L’Egypte est polluée par l’extrémisme, le fanatisme et l’ignorance (…) en raison de l’opression et de la corruption", estimait dimanche le rédacteur en chef du quotidien Al-Doustour (indépendant), Ibrahim Eissa.
De janvier 2008 à janvier 2010, l’EIPR affirme avoir recensé 53 affaires de violences confessionnelles, survenues dans 17 des 29 gouvernorats d’Egypte.
"Il y a une obsession chez les extrémistes musulmans, qui pensent que convertir un chrétien à l’islam est une victoire (pour leur religion) et va leur garantir une place au paradis", avance Ibrahim Eissa.
Dans l’autre camp, les chrétiens ont la sensibilité à fleur de peau car ils "considèrent que la conversion d’un copte à l’islam est une insulte à leur religion et une menace pour le christianisme".
Dans ce contexte, pour Ibrahim Eissa, d’autres affaires "Zakher" sont à prévoir.