Sénégal: le nouveau gouvernement à l’épreuve de la forte demande sociale
Après plusieurs mois d’attente, les Sénégalais ont eu enfin droit à un nouveau gouvernement dit de « combat », qui a été dévoilé samedi soir par son chef, Amadou Ba. Un gouvernement qui doit répondre aux revendications urgentes et aux préoccupations des citoyens et doit relever d’énormes défis surtout dans le domaine social.
Après des mois de spéculations sur le nom du prochain Premier ministre, le Chef de l’Etat, Macky Sall, a, après avoir installé un fidèle comme président de la Nouvelle Assemblée nationale issue des législatives du 31 juillet, à savoir Amadou Mame Diop, choisi, à la surprise générale, un ancien ministre, âgé de 61 ans, pour diriger le futur gouvernement en la personne de Amadou Ba, qui selon les analystes n’aura pas la tache facile durant son mandat.
Membre dirigeant du parti du président Macky Sall dans le département de Dakar, l’Alliance pour la République (APR), M. Amadou Ba, inspecteur des impôts et des domaines et ancien ministre de l’Economie et des Finances de 2013 à 2019, et aussi des Affaires étrangères entre 2019 et 2020, est le premier à occuper le poste de Premier ministre après sa restauration en décembre 2021.
Le chef de l’Etat sénégalais a fixé les priorités à M. Ba avant de le convoquer samedi au Palais de la République pour lui demander de présenter son équipe. Au-delà de son image de technocrate, dont la nomination suscite beaucoup d’espoir quant à la prise en charge réelles des populations, Amadou Ba est l’un des premiers compagnons politiques de Macky Sall au sein de l’APR et un des membres les plus influents dans ce parti.
Confronté à la hausse des prix, le nouveau chef de gouvernement aura ainsi pour mission de mener de « larges concertations » et de prendre de « nouvelles mesures » sur le plan social, avait dit, vendredi soir, Macky Sall dans une adresse à la nation diffusée sur la télévision nationale.
« Les mesures d’allègement du coût de la vie et de soutien à l’emploi et l’entrepreneuriat des jeunes, la lutte contre les inondations et la cherté du loyer resteront pour moi la priorité des priorités », a lancé le président sénégalais.
Ces priorités ont été d’ailleurs précisées par le nouveau Premier ministre lui même dans sa première allocution faite juste après la lecture du décret de sa nomination par le secrétaire général de la présidence au sein du Palais de la République à Dakar.
Le gouvernement d’Amadou Ba compte 38 ministres au total, dont huit femmes et huit jeunes. Une équipe présentée comme « un gouvernement de combat », avec une continuité et des surprises.
Le choix porté sur l’ancien ministre de l’Economie et des Finances pour diriger ce gouvernement +d’attaque et de combat+ pour relever les défis de l’heure, a été d’ailleurs salué par beaucoup d’acteurs politiques au Sénégal. Le nouveau cabinet aura pour tâche principale de redresser la barre économique et sociale et d’apaiser surtout les tensions créées avec les partis de l’opposition, depuis les dernières Joutes locales de janvier 2022.
En effet, les populations expriment leurs besoins et attendent de ce gouvernement une solution face à la cherté de la vie et des loyers. Asphyxiées par la flambée des prix des denrées alimentaires depuis bientôt un an, à cause de la guerre en Ukraine, elles exhortent les nouveaux membres du gouvernement à l’action pour garantir la stabilité des prix mais aussi de réaliser le développement de l’agriculture pour une disponibilité des produits.
Selon les analystes, M. Macky Sall a bien saisi le message que ses concitoyens lui ont envoyé à l’occasion des dernières élections organisées, locales du 23 janvier et législatives du 31 juin, et mis en place un gouvernement pour s’attaquer avec urgence aux préoccupations majeures des Sénégalaises et des Sénégalais en prenant en charge cette forte demande sociale. M. Sall a aussi compris qu’il faut faire face au renchérissement des denrées de première nécessité consécutive à la guerre entre la Russie et l’Ukraine et à la flambée du dollar.
Il a aussi compris l’impératif qu’il y a de prendre des mesures pour lutter contre le phénomène des inondations à l’échelle nationale, mais surtout dans la région de Dakar qui a été frappée dernièrement par de mauvaises intempéries et provoqué des pertes humaines et des dégâts matériels importants. Ces inondations ont suscité la colère des populations affectées surtout dans les quartiers périphériques de la capitale.
« C’est un « gouvernement de combat » et de « défis », avait dit le secrétaire général de la Présidence. « Toutes les régions du Sénégal sont représentées », a déclaré Luc Sarr, conseiller du chef de l’État sur la radio télévision publique. « Il n’y a pas de logique politicienne », ajoute-t-il.
Selon les observateurs et des analystes sénégalais, le choix d’Amadou Ba comme Premier ministre aurait pu être lu comme une volonté du chef de l’Etat d’en faire un « dauphin » pour la Présidentielle de 2024, au cas où Macky Sall ne devrait pas se représenter. En effet, le Premier ministre actuel en a l’envergure et la légitimité politique puisqu’il fait partie des responsables politiques qui disposent de plus grandes bases électorales, estiment des analystes dans ce pays.
Cette hypothèse se trouve renforcée avec le départ du gouvernement de grosses pontes ou du moins leur rétrogradation. La mise l’écart de Matar Ba, ministre des Sports et le détachement de Abdoulaye Daouda Diallo, entre autres leaders, peuvent être vus comme une volonté de mettre en évidence le désormais « numéro 2 » de la coalition et le placer à l’aise contre toute velléité de contestation de sa stature.
A côté de ces départs, il y a des entrées à la nouvelle équipe de Amadou Ba qui indiquent dans quel sens ce gouvernement est dit « de combat ». Si le retour d’Ismaila Madior Fall au ministère de la justice peut être lu comme un désir de vendre son éligibilité pour un 3-ème mandat, la nomination de huit jeunes portés à la tête de certains des départements, n’a pour objectif que d’opposer un véritable combat à Ousmane Sonko, maire actul de Ziguinchor (Casamance, sud) et principal opposant de Macky Sall et candidat à la présidentielle de 2024.
Les plus farouches pourfendeurs du président du parti « Pastef » sont en effet nommés à des responsabilités qui nécessitent des sorties fréquentes et des contacts avec la population. Ainsi, la nomination de Pape Malick Ndour (jeunesse, entreprenariat et emploi), Yankhoba Diattara (sports), Abdou Karim Fofana (commerce, et surtout porte-parole du gouvernement), dont le dénominateur commun est les attaques frontales contre Ousmane Sonko, montre la ligne de conduite du nouveau gouvernement pour le reste du mandat du président de la République.
Il y a lieu de signaler que le président Macky Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu ensuite en 2019 pour cinq ans, maintient toujours le flou sur ses intentions pour la présidentielle de 2024.