Rishi Sunak, un financier à la rescousse de Downing Street
Sa rigueur budgétaire et ses avertissements quant à la politique de réduction massive des impôts, que voulait mettre en place sa rivale Liz Truss, avaient provoqué l’ire des plus libéraux des conservateurs. Or, maintenant que le temps lui a donné raison, il est vu comme l’économiste sérieux qui regagnera la confiance des marchés financiers.
Après avoir rassemblé le soutien de plus de la moitié des 357 députés Tories, bien au-delà des 100 signatures dont il avait besoin pour se présenter, l’ex-ministre des Finances a été nommé, lundi, à la tête du parti et s’apprête à devenir »le premier chef de gouvernement britannique non-blanc ».
Son appel à la prudence économique dans la lutte contre l’inflation, lors de sa campagne de l’été dernier, a suffi à convaincre de larges franges de conservateurs qu’il est désormais l’homme de la situation.
Il n’a d’ailleurs presque pas eu à refaire campagne puisqu’il s’est fait très discret, se refusant à toute apparition médiatique et communiquant uniquement via son compte Twitter.
Alors que les bookmakers annonçaient cette course à Downing Street comme une lutte acharnée entre Boris Johnson et Rishi Sunak, l’ex-Premier ministre a indiqué dimanche soir qu’il ne se sera pas candidat, évoquant un mauvais timing et l’intérêt national.
Peu après, Sunak a encensé son ancien patron qui, en renonçant à se présenter, lui a pavé la voie vers le n°10. « Boris Johnson a assuré le Brexit et le grand déploiement des vaccins », a tweeté l’ancien chancelier de l’Échiquier, âgé de 42 ans.
« Il a dirigé notre pays à travers certains des défis les plus difficiles que nous ayons jamais rencontrés », a-t-il ajouté, tout en saluant le rôle de « BoJo » dans le soutien à l’Ukraine.
Des propos très élogieux qui ont convaincu même les plus sceptiques des partisans de Johnson, dont beaucoup ont annoncé lundi matin leur appui à Sunak, laissant Penny Maurdaunt, la première à avoir officialisé sa candidature au poste, sous la barre des 100 signatures. Lors de la campagne estivale, nombre de Tories avait pourtant estimé qu’en démissionnant de son poste de ministre des Finances en juillet, Sunak a précipité la chute de Johnson. Le rapprochement entre les deux hommes laisse croire que la hache de guerre a été enterrée, augurant d’une réduction des clivages au sein du parti. Une aubaine pour Sunak, qui aura besoin d’une majorité unie et solidaire à la chambre des Communes. Un élément qui avait grandement fait défaut à Liz Truss.
Dans sa première prise de parole publique à l’issue de sa victoire, il a assuré que « le Royaume-Uni est un grand pays. Mais il ne fait aucun doute que nous sommes confrontés à un sérieux défi économique ».
« Nous avons maintenant besoin de stabilité et d’unité, et ma priorité absolue sera de rassembler notre parti et notre pays », a-t-il assuré.
Député du Yorkshire (nord de l’Angleterre) depuis 2015, ce petit-fils d’immigrés indiens est habitué aux situations de crise, puisqu’il a été en charge des Finances du Royaume-Uni durant la pandémie de Covid-19.
Une période qui a grandement contribué à façonner son image et surtout à développer sa popularité auprès des bases populaires, après la mise en place du « furlough », un dispositif de chômage partiel qui a permis de protéger les emplois de plusieurs milliers de Britannique.
Sa côte a toutefois pris un coup lorsqu’il a été mis à l’amende, début avril, par la police de Londres, pour avoir pris part à une fête à Downing Street durant le confinement, ainsi qu’en raison du statut fiscal avantageux de sa richissime épouse.
Mais le mandat rocambolesque de Liz Truss a fait oublier les travers de ce père de deux enfants, dont la crédibilité est désormais au plus haut. Sa maitrise de la finance, qui lui a valu sa fortune, a été le fruit d’études politiques et économiques dans les universités d’Oxford, en Angleterre, et de Stanford, aux États-Unis, ainsi que d’une carrière flamboyante, marquée par un passage chez Goldman Sachs.
Aujourd’hui, confronté à l’envolée de l’inflation, des prix de l’énergie et des taux d’intérêt, Sunak aura à cœur de mettre à profit sa connaissance du monde des affaires pour reconquérir les marchés, les entreprises et les ménages. Bien que fervent supporter du Brexit, son attachement à des finances saines devrait également rassurer l’Europe, premier partenaire commercial du pays.