Piroska Nagy, le premier écart médiatisé de DSK
En 2008, le FMI a enquêté sur une liaison entre son directeur et une économiste hongroise.
A l’automne 2007, Strauss-Kahn s’était vivement intéressé à une présentation sur le Ghana faite par la blonde Piroska Nagy, alors âgée de 50 ans, a permis de reconstituer l’enquête du FMI. Le directeur général a recontacté la spécialiste et s’est mis à échanger des mails avec elle qui, très vite, n’ont plus porté sur l’économie du pays africain mais sur le désir d’une relation sexuelle. En janvier 2008, lors du forum de Davos, la relation s’est matérialisée, l’économiste cédant aux avances de son directeur général. Peu après, le mari de Piroska Nagy a découvert les faits, exprimé sa colère à DSK et réclamé une enquête du FMI sur le comportement de son directeur général.
Intérêt. D’abord menée en interne, l’enquête a été confiée le 2 septembre 2008 à un cabinet extérieur, Morgan, Lewis & Bockius, qui a travaillé presque deux mois sur l’affaire et achevé son rapport le 25 octobre. Robert J. Smith, l’avocat qui a mené l’enquête pour ce cabinet, a expliqué à Libération qu’il avait alors interrogé Piroska Nagy pendant près de six heures, assisté de deux avocates. «Les auditions que nous avons menées, ainsi que les autres documents que nous avions examinés [c’est-à-dire en particulier tous les mails échangés entre DSK et Piroska Nagy, ndlr], montraient que la relation entre eux était consensuelle», souligne l’avocat. Les mails prouvaient que Piroska Nagy avait bien manifesté, elle aussi, de l’intérêt pour cette relation avec DSK, souligne une source qui a pu lire toute leur correspondance intime. Les deux amants avaient notamment utilisé des pseudonymes, montrant qu’ils étaient tous deux intéressés à poursuivre, et cacher, leur relation.
Quelques jours avant que Robert J. Smith n’achève son rapport, qui s’apprêtait donc à blanchir DSK, une fuite dans le Wall Street Journal du 18 octobre avait alors tenté d’empêcher que DSK s’en sorte à si bon compte. L’affaire, gardée jusqu’alors très secrète (au FMI, seuls 5 membres du conseil d’administration sur 24 avaient été informés de l’enquête en cours), fut ainsi portée sur la place publique pour la première fois. Le principal suspect de la fuite reste à ce jour le représentant de la Russie, qui s’était depuis le début opposé à la candidature de DSK au FMI (et qui a refusé de répondre à nos questions).
Sous la pression du scandale public, qu’elle n’avait pas souhaité, Piroska Nagy avait alors écrit une lettre, datée du 20 octobre 2008, à l’avocat Robert J. Smith où elle s’indignait que sa relation avec DSK soit présentée comme «consensuelle » et qu’il n’y ait pas une enquête spécifique sur les «abus de pouvoir» commis selon elle par le directeur du FMI. «Je pense que M. Strauss-Kahn a abusé de sa position dans sa façon de parvenir jusqu’à moi, écrivait-elle. Je vous ai expliqué en détail comment il m’a convoquée plusieurs fois pour en venir à me faire des suggestions inappropriées.» Suite à cette lettre, l’avocat Robert J. Smith n’avait pas jugé nécessaire de réinterroger Piroska Nagy. Son rapport, conclu cinq jours plus tard, maintenait que la relation avait été «consensuelle». «Pour notre équipe, il n’y avait pas, dans cette lettre, de preuve nouvelle que nous n’aurions pas considérée durant notre enquête et certainement pas de preuve indiquant que cette relation avait été autre que consensuelle», souligne J. Smith. Cette lettre a été écrite sous le coup de la colère, avait conclu son équipe, qui l’avait classée sans suite : Piroska Nagy était furieuse d’avoir son nom révélé dans la presse et de voir l’épouse de DSK évoquer une «aventure d’un soir» sur son blog.
Silencieuse. Présenté le 30 octobre 2008 au conseil d’administration du FMI, qui en avait discuté pendant quatre heures, ce rapport concluait aussi qu’il n’y avait «pas de preuves» d’autres comportements «inappropriés» du directeur général. Vingt-huit personnes avaient été interrogées au FMI et rien n’en était ressorti étayant les habituelles rumeurs de donjuanisme de DSK.
A l’aune de l’actuelle affaire du Sofitel, l’avocat J. Smith précise aussi qu’il n’avait jamais été question de «brutalité» dans cette relation de 2008. En l’état actuel, et tant que Piroska Nagy (restée silencieuse depuis l’affaire du Sofitel) ne fournit pas de nouveau témoignage, ce précédent de 2008 pourrait donc jouer autant à décharge qu’à charge pour Dominique Strauss-Kahn.