Maroc: les poursuites contre une journaliste pas liées à sa profession, mais à son avortement (procureur)
Les poursuites judiciaires engagées contre la journaliste, Hajar Raissouni, arrêtée récemment en compagnie d’autres personnes dont un médecin, ne sont pas liées à son statut professionnel, mais sont motivées par des actes relatifs à l’avortement, a indiqué, jeudi, le Procureur général du roi près le Tribunal de première instance de Rabat.
Le procureur général du roi près le Tribunal de première instance de Rabat a détaillé, dans un long communiqué, les éléments médicaux confirmant à la fois ses "signes de grossesse" et son "avortement volontaire tardif".
Le magistrat explique faire cette mise au point en réponse à ceux qui ont "dénaturé" les faits en "prétendant que la journaliste a été visée en raison de son appartenance à une entreprise médiatique".
"La poursuite en justice de la personne concernée n’a rien à voir avec sa profession de journaliste, mais a trait à des faits considérés par le code pénal comme des crimes", a-t-il souligné dans son communiqué.
L’arrestation de l’intéressée est intervenue de manière fortuite suite à sa visite à une clinique, qui faisait l’objet d’une surveillance sur la base de renseignements reçus par la police judiciaire au sujet de pratiques récurrentes d’opérations d’avortement, a précisé le Procureur général dans un communiqué.
La poursuite en justice de la personne concernée n’a rien à voir avec sa profession de journaliste, mais a trait à des faits considérés par le Code pénal comme des crimes. Il s’agit de la pratique de l’avortement de manière régulière, du consentement de se faire avorter par autrui, de la participation à cette opération, et de la débauche, conformément aux articles 444, 450, 454, 490 et 129 du Code pénal, a souligné la même source.
L’arrestation de l’intéressée par la police judiciaire a eu lieu à l’entrée de l’immeuble où se trouve la clinique, alors qu’elle s’apprêtait à quitter en compagnie d’une personne de nationalité étrangère, et non pas sur la voie publique, comme rapporté dans certains réseaux sociaux, a précisé le procureur, ajoutant que l’intéressée a décliné au médecin, ayant effectué l’opération d’avortement, une identité autre que la sienne, lequel fait est consigné dans les registres du médecin dans la clinique, lieu de l’opération.
Le document, relayé dans les réseaux sociaux comme étant une expertise médicale, n’est qu’un simple bulletin de consultation de la concernée, réalisé, le 31/08/2019 par le médecin de permanence au service des urgences de la maternité, portant des constatations dans l’attente de faire des analyses et des prélèvements sanguins. Suite à ces analyses, une expertise a été effectuée et a été soumise le 04/09/2019 au tribunal. Il en ressort que l’intéressée a déclaré au médecin avoir procédé à l’interruption volontaire d’une grossesse non-désirée à la 7-ème semaine dans une clinique privée dans la matinée du 31 août 2019 et qu’elle avait subi auparavant un avortement spontané tardif de six mois.
Cette expertise comprend également les résultats des analyses effectuées par le médecin et qui font état d’une interruption de grossesse sur la base de plusieurs analyses mentionnées dans le rapport d’expertise, dont la présence de l’hormone de grossesse (BHCG), qui confirme que l’intéressée était enceinte, la présence de signes de grossesse lors d’une auscultation du col de l’utérus avec un spéculum, l’absence du sac de grossesse révélée suite à une échographie et la présence de restes de tissus sanguins.
Le rapport du laboratoire de la police scientifique, qui a mené des tests ADN sur les échantillons et les traces biologiques recueillies dans la clinique, reçu le 05/09/2019, a révélé une empreinte génétique féminine conforme à celle de l’intéressée, à partir d’échantillons prélevés de l’éprouvette et des tâches rougeâtres prélevées sur le mouchoir en papier, les pansements médicaux et les gants, ainsi que sur la seringue utilisée sur l’intéressée, poursuit la même source.
Le procureur général du Roi près le Tribunal de première instance de Rabat note que cette mise au point intervient suite à la publication par certains médias et réseaux sociaux, qui ont traité le sujet, d’un ensemble de faits inexacts, qui ont dénaturé certains éléments de l’enquête diligentée par la police judiciaire, en prétendant par exemple que cette journaliste a été visée en raison de son appartenance à une entreprise médiatique précise, a été arrêtée sur la voie publique et en évoquant le rejet par l’expertise médicale de toute opération d’avortement.
Tout en déplorant le fait d’avoir été contraint de rendre publique cette mise au point dans une affaire considérée comme normale et relève de faits avérés, qui devaient normalement être débattus, prouvés ou démentis devant le tribunal, le Parquet indique se trouver dans l’obligation d’apporter ces précisions, étant convaincu du droit constitutionnel du citoyen d’accéder à l’information, disponible jusqu’à présent, sur la base des documents et des procès-verbaux de cette affaire et qui constituent, sur le plan juridique, des éléments à charge, lesquels ne peuvent être rejetés que par des éléments à décharge, et qui ne sont plus soumis au secret d’instruction après que l’affaire eut été portée publiquement devant le tribunal.
Le syndicat national de la presse marocaine (SNPM) a exprimé sa "profonde préoccupation" en condamnant la "campagne de diffamation malveillante" menée par des médias qui ont publié des éléments médicaux à charge.
La loi marocaine punit l’interruption volontaire de grossesse (IVG) de six mois à cinq ans de prison sauf quand la santé de la mère est en danger.
Les associations locales militant pour sa légalisation estiment que 600 à 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc, dans des conditions sanitaires parfois désastreuses.