Lune du miel entre Rabat et Madrid, crise froide avec Paris

Ironie du calendrier politique. Au moment où la relation entre le Maroc et l’Espagne est magnifiée à travers la réunion de Haut niveau qui se tiendra  à Rabat les 1er et 2 février, l’axe Paris/Rabat vit sa plus grande tension et plonge les deux pays dans de lourdes divergences politiques.

Pour les observateurs, un effet visible de balancier est à l’œuvre. Plus le Maroc se rapproche de l’Espagne, plus la France donne cette impression de s’éloigner. D’ailleurs en plus du positionnement américain sur le Sahara, c’est la nouvelle posture espagnole qui a provoqué des accélérations.

Rabat s’interroge à haute voix et interpelle la diplomatie française. L’Espagne, ancienne puissance coloniale sur le Sahara, a fini par reconnaître la souveraineté du Maroc sur ses provinces du sud. Qu’est-ce-qui empêche la France de suivre les mêmes traces et de réactualiser son approche de cette crise en prenant en compte les évolutions de la situation régionale et internationale. ?

Peut être sans le vouloir, le rapprochent entre l’Espagne et le Maroc a joué comme un effet de loupe grossissant des malaises que vit la relation entre Rabat et Paris. Une feuille de route ambitieuse, un programme de coopération économique gigantesque, une alliance politique des plus solides. Telle paraît aujourd’hui  la physionomie de cette relation entre les deux Royaumes, marocain et espagnol.

A l’inverse, les rapports avec la France sont presque désertiques. Entre Paris et Rabat, les signaux se multiplient pour indiquer une forme d’impasse politique, d’autant que le Maroc n’a ni confirmé ni infirmé une visite du président Emmanuel Macron au Maroc. Une visite tellement attendue qu’elle constitue le baromètre de l’état des relations entre les deux pays. Mais elle ne semble plus figurer dans les « petits papiers » de la diplomatie marocaine.

Face à ces évolutions particulières, les autorités marocaines ont réagi. Et des messages de déception et de mauvais humeurs ont été envoyés, comme l’annulation pour « des motifs d’agenda » de deux importantes rencontres qui devaient avoir lieu entre français et marocains. La première les 23 et 24 janvier, avec le sous-directeur Afrique et Moyen orient du ministère français de la Défense, l’ingénieur général de l’armement Olivier Lecointe. Et la seconde celle du comité consultatif de coopération judiciaire qui devait se tenir les 30 et 31 janvier et qui a été aussi annulée.

Pire. La France s’est mise en tête d’armer le régime algérien avec le risque non négligeable que cet armement puisse être utilisé contre le Maroc dans le scénario d’une guerre ouverte ou de partager ces mêmes armes avec le Front Polisario, dont un reportage récemment publié par le journal français le Monde annonce des intentions belliqueuses à l’égard du Maroc et la volonté de lancer des opérations terroristes et kamikazes contre le Royaume.

Face à cette situation de plus en plus difficile, la porte-parole du quai d’Orsay Anne-Claire Legendre prend tout le monde à contre-courant et assure que la France n’est pas en crise avec le Maroc.  « Nous sommes au contraire dans un partenariat d’exception que nous entendons nourrir », dit-elle, soulignant la volonté de Paris d’inscrire cette relation bilatérale « dans les 10 à 20 ans » à venir.

La réaction du Quai d’Orsay sur cette tension source et froide entre la France et Le Maroc a provoqué une énorme incrédulité dans les médias et les réseaux sociaux marocains qui peinent à croire que tout va dans le meilleur des mondes entre Paris et Rabat alors que s’accumulent dans le ciel de leurs relations les indicateurs d’un divorce compliqué.

Par contre c’est le grand printemps dans les relations avec l’Espagne. Avec une énorme délégation qui compte plus de 400 hommes d’affaires espagnoles, une douzaine de ministres du gouvernement de Pedro Sanchez dont Nadia Calviño, vice-présidente en charge de l’économie, et Teresa Rivera, vice-présidente en charge de la transition écologique, Madrid a pris la ferme décision de donner un nouvel élan à son partenariat avec le Maroc. C’est une grande lune de miel qui se dessine actuellement entre Madrid et Rabat. Elle puise sa force du fait qu’elle intervient après une grosse brouille et un bras de fer, voire une crise très dure entre les deux pays.

Et la question qui s’impose aujourd’hui, ce spectaculaire rapprochement avec l’Espagne finira-t-il par déteindre sur la crise avec la France ? ou bien au contraire Paris serait tenté de le prendre comme un prétexte pour justifier son rapprochement avec Alger ?

 

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