L’originalité de l’architecture, les dimensions des ruines et la qualité des objets archéologiques découverts ne laissent toutefois aucun doute sur la grandeur passée de cette ville historique, citée aussi bien dans les mythologies grecques que dans les annales de l’histoire des royaumes maures, de l’empire romain et de la période arabo-islamique, avant de tomber dans l’oubli.
-Le mythe de la fondation-
Lixus est certainement la plus ancienne cité du sud-ouest de la Méditerranée, affirme à la MAP le conservateur régional du patrimoine de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Larbi Mesbahi, notant que les textes anciens rejoignent la mythologie grecque pour situer la fondation de cette cité dans la même période qui aurait connu le déroulement des travaux d’Hercule, notamment la dérobation des pommes d’or du jardin des Hespérides. Un lieu mythologique qui se situerait dans cette zone près de Larache, peut-être même sur le site de Lixus précisément.
Le conservateur du site de Lixus, Hicham Houssaini, souligne que cette cité est une des rares villes historiques du Maroc disposant d’un mythe fondateur, lié aussi à la construction dans ce lieu par les phéniciens du temple du dieu Melkart, au 12ème siècle avant J.-C.
La situation géographique de Lixus, à la limite du monde connu dans l’antiquité et à la frontière entre le monde des Hommes et le monde des Dieux, a favorisé l’apparition de mythes, les plus connus étant ceux liés à Hercule (ou Héraclès) et sa lutte contre Antée, protecteur de la terre des amazighs, et le géant Atlas, qui a donné son nom au montagnes de l’Atlas, à l’océan atlantique et à la citée mythologique de l’Atlantide.
Mais sur le plan archéologique, les recherches ont montré que le plus ancien objet trouvé dans le site, une tablette portant des écritures phéniciennes, date du 8ème siècle avant J.-C.
-Des phéniciens aux arabes-
Les fouilles ont confirmé que Lixus a été l’une des plus grandes cités fondées par les phéniciens dans la région ouest de la Méditerranée. S’étalant sur 14 ha, la ville a été d’abord un carrefour pour le commerce entre les phéniciens et la population locale, les maures, avant de devenir une grande ville prospère grâce aux échanges avec les carthaginois et les grecs.
Pendant la période maurétanienne, allant du 6ème siècle avant J.-C. à l’an 40, la ville a connu un grand essor qui se reflète dans la richesse des objets archéologiques découverts dans ce site. Selon M. Mesbahi, Lixus jouissait d’une grande importance sur les plans politique et commercial et entretenait des liens commerciaux avec des cités de l’est de la Méditerranée, comme en témoignent les amphores utilisées pour exporter du poisson salé et du garum (condiment) produit à Lixus et qui ont été découvertes en Grèce.
Durant l’époque des royaumes de Maurétanie, Lixus a conservé son importance stratégique notamment sous Juba II et son fils Ptolémée, le dernier des rois maures assassiné par l’empereur romain Caligula vers l’an 40. Dès lors, Lixus fera partie de l’empire romain, plus précisémment la province de la Maurétanie tingitaine, jusqu’au début du 5ème siècle.
Avec l’arrivée des Romains, la ville se dotera de nouvelles structures administratives, sociales, religieuses et économiques, gagnant en importance à l’image des autres cités d’Afrique du Nord et du Maroc en particulier.
Malgré la rareté des données sur l’antiquité tardive (du 5ème au 7ème siècle), il est certain que Lixus est restée habitée jusqu’après la conquête arabo-islamique, portant le nom de Tochoummis jusqu’au 14ème siècle. De cette époque ont survécu les ruines de demeures et d’une mosquée construite apparemment à l’époque almohade ou mérinide.
Cependant, les raisons de l’abandon de la ville restent inconnues pour faute de textes écrits sur cette période. M. Houssaini avance deux hypothèses à cet égard, la première suggère le tarissement des sources d’eau du site de Lixus, ce qui aurait poussé la population à se déplacer vers la rive sud du Loukkos et fonder la ville de Larache, et la deuxième, la plus plausible selon l’interviewé, évoque l’accumulation des sédiments dans le port fluvial de Lixus devenu impraticable, ce qui aurait poussé les dignitaires locaux à construire un nouveau sur l’autre rive du fleuve.
Bien que les fouilles réalisées n’ont concerné que 10 pc de la superficie du site, elles ont déjà démontré l’existence de tout un quartier industriel relié à l’Oued Loukkos et considéré comme le plus grand de son temps dans le pourtour méditerranéen, avec un volume de production estimée à un million de litres de poisson salé, notamment du thon, en plus du garum. Ce complexe industriel comprenait 10 usines et 150 bassins de production, dont le plus ancien remonterait au 1er siècle avant J.-C. L’activité iNdustrielle a connu un essor progressif durant la période romaine et jusqu’au 5ème siècle.
Au sommet de la colline de Lixus, on a érigé le quartier résidentiel, où se constituait de vastes demeures dotées de cours intérieures avec de grandes colonnes, ce qui dénote de la richesse des propriétaires des usines et des exploitations agricoles aux environs de la ville. Les maisons étaient ornées de grandes mosaïques montrant des scènes mythologiques, de peintures murales, de bains privés et d’objets décoratifs de grande valeur.
De son côté, le quartier des temples représentait l’épicentre politique de la ville. Avec des vestiges remontant aux différentes phases de développement urbanistique de Lixus, de l’époque phénicienne au 14ème siècle, ce quartier abritait notamment le palais du roi Juba II et de son fils Ptolémée, ainsi qu’une mosquée de l’époque islamique.
Le monument le plus emblématique de la ville reste l’amphithéâtre romain, à côté duquel se dressaient des thermes publics. Cet amphithéâtre est unique dans son genre au Maroc, relève le conservateur du site.
Ce complexe reflète l’importance que revêtait la ville sur le plan culturel, puisqu’il abritait des présentations théâtrales, mais aussi des combats de gladiateurs et de fauves, des éléments essentiels de la vie culturelle à l’époque romaine.
-Mise à niveau et réhabilitation-.
Le ministère de la Culture et de la communication a procédé, dans le cadre de la mise en oeuvre des Hautes orientations royales visant à réhabiliter le patrimoine culturel national, au lancement d’un vaste programme de restauration et de réhabilitation de sites historiques à travers le territoire national et dans la région du Nord en particulier, indique M. Mesbahi, notant qu’un grand intérêt a été accordé au site archéologique de Lixus, doté d’un centre d’interprétation inauguré récemment.
Il s’agit de mettre en avant les caractéristiques du site et de promouvoir la destination sur le carte touristique régionale, nationale et internationale en vue de contribuer au développement économique et social local.
Les nouvelles installations comportent deux salles d’exposition offrant un large aperçu sur la ville de Lixus et son histoire, avec certains objets découverts dans le site (outils, pièces de monnaie, sculptures et ustensiles), un dépôt et un laboratoire spécialisé dans le traitement et la restauration des objets archéologiques.
Et pour faire connaitre le site, des visites en faveur des élèves et de la société civiles sont organisées tout au long du Mois du Patrimoine (18 avril-18 mai), en plus d’ateliers sur l’histoire et les fouilles archéologiques à Lixus.
Avec son histoire riche, aux composantes phéniciennes, grecques, romaines et islamiques, Lixus, la plus grande des cités du Maroc antique, devrait figurer sur l’agenda des agences de voyages pour en faire l’une des destinations phares du tourisme culturel au Maroc.
-Par Hicham El Moussaoui-
MAP