Les services français sur la brèche face aux djihadistes (Le Figaro)

La DCRI consacre la moitié de ses effectifs dédiés au terrorisme à déjouer les projets d’al-Qaida au Maghreb islamique. Une surveillance active est également menée à l’intérieur du territoire.

Le risque d’attentats en France est-il plus élevé aujourd’hui qu’hier? Une chose est sûre: la mobilisation des services antiterroristes, aussi bien inté­rieurs qu’extérieurs, n’a jamais été aussi forte. Avant même l’enlèvement par al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) de sept employés du groupe Areva, dont cinq Français, au Niger, le 16 septembre dernier, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qui a fusionné la DST et les RG, consacrait déjà la moitié de sa force de frappe antiterroriste, soit 150 hommes au bas mot, à déjouer les projets de cette organisation affiliée à la mouvance djihadiste de Ben Laden. Ces policiers triés sur le volet ont reçu depuis le renfort de plusieurs groupes d’une dizaine d’agents spécialisés dans la lutte contre les dérives de l’islam sunnite.

C’est qu’il n’y a pas que les périls venus de la zone sahélienne. De la zone pakistano-afghane, épiée par la couverture satellitaire des États-Unis, des informations très précises ont été envoyées à Paris. Elles font état du retour imminent en France de moudjahidins formés dans les camps d’al-Qaida situés sur la frontière pakistanaise. Ces individus ne rentreront certainement pas par des vols réguliers… D’où une certaine fébrilité au sein des services européens.

Les prêches des imams écoutés

L’ennemi peut également frapper de l’intérieur. Prudente, la DCRI sollicite activement ses «sources», ces jours-ci, faisant tourner «H24» son fichier de travail Cristina, véritable mémoire du service. Il s’agit d’évaluer précisément qui, en France, serait susceptible d’être inspiré par le discours belliciste d’Aqmi. Les conversations d’individus «signalés» sont donc discrètement écoutées et analysées quasiment en temps réel, grâce à une armée de traducteurs. D’autre part, les prisonniers islamistes fraîchement libérés ont droit à un petit «suivi», histoire de s’assurer qu’ils ne succomberont pas à de nouvelles tentations. Dans les prisons mêmes, la vigilance s’est accrue ces temps-ci, notamment à la centrale de Fleury-Mérogis. «La reconstitution, au début des années 2000, du groupe de Safé Bourrada, ancien condamné des attentats de 1995, témoigne de la vivacité de ces réseaux», affirme un magistrat antiterroriste.

Parallèlement, les prêches des imams sont écoutés avec une attention particulière. La police veut s’assurer que les menaces extérieures n’ont pas de résonance dans les salles de prière et les mosquées françaises. Plus de vingt religieux musulmans ont déjà été expulsés de l’Hexagone depuis les attentats du 11 septembre 2001, pour avoir incité les fidèles à «porter le fer» contre l’Occident.

Le principe du cloisonnement

Vérifiant sans relâche les messages cryptés transmis par des services amis à l’étranger, la DCRI s’appuie sur un réseau «maison» d’officiers de liaison, une dizaine au total, implantés notamment en Syrie, au Yémen et à Alger. Ce service fonctionnant sur le principe du cloisonnement, seul son sous-directeur chargé du contre-terrorisme, la commissaire Dominique Roulière, possède une pleine vision des dossiers. Régulièrement, elle consulte son collègue directeur du département judiciaire de la DCRI pour lui donner une traduction pénale.

«Dès qu’un suspect s’agite, multipliant, par exemple, les contacts avec des individus dangereux, comme certains imprécateurs, le service rassemble les preuves et prépare les interpellations, en accord avec le parquet antiterroriste de Paris», explique un agent. La France dispose pour ce faire d’une arme qui a fait ses preuves: l’incrimination d’ «association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste». Cette méthode préventive, qui fit les riches heures du juge Bruguière, est aujourd’hui reprise par son successeur, le juge Marc Trévidic. Ce magistrat chevronné le confirme au Figaro: «En France, la menace al-Qaida est effectivement montée d’un cran.»

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