Les impasses politiques d’Emmanuel Macron

Le véritable moment de la défaite d’Emmanuel Macron aux dernières législatives fut lorsque la première ministre Elisabeth Borne, debout devant l’Assemblée nationale, annonce le recours de son gouvernement au fameux article 49.3 pour faire adopter son projet de loi de finances. Une première sortie parlementaire sanctionnée par l’évocation d’un article d’exception.

A cet instant précis, l’incarnation de la perte de la majorité absolue fut spectaculaire. Non pas que le recours à cet article exceptionnel, qui suspend  toute discussion parlementaire et tout vote, est un acte politiquement répréhensible, d’autres gouvernements en ont usé et abusé, mais cela renseigne sur la physionomie du second mandat  qui commence par un passage en force et qui promet d’être un long chemin de croix.

Pour Emmanuel Macron, finie  la Jupiter attitude, où disposant d’une majorité absolu au Palais Bourbon, il n’avait qu’à cligner des yeux pour obtenir l’approbation de la représentation nationale. Aujourd’hui avec  ce casting parlementaire, la lutte pour obtenir la confiance devient quotidienne, donc harassante et nécessite un sérieux sens du compromis. Un tempérament qui n’est pas la qualité première ni du locataire de l’Elysée ni de sa première ministre dont le vernis technocratique cache lourdement une absence évidente de l’indispensable sens du dialogue malgré toutes les postures affichées.

Dès la première difficulté, dès la première épreuve, Macron dégaine le 49.3 . Il pourrait toujours arguer du fait que la situation économique et sociale du Pays,  la Covid-19 et la crise entre la Russie et l’Ukraine obligent une urgence qui ne supporte  ni les arguties ni les coups de menton de ce que certains appellent à tort les caprices de l’opposition.

D’ailleurs cette opposition , qui a réalisé  récemment  une massive entrée au parlement, sous les couleurs de l’extrême droite et la gauche radicale, est vent debout contre cette stratégie de Macron. Lorsque ce dernier avait envisagé d’inclure la fameuse et très problématique réforme de la retraite  dans cette loi de finances, les réactions furent violentes venant des deux ailes de l’hémicycle.

Le Rassemblement national de Marine Le Pen comme l’alliance  populaire de la gauche dont le leader est toujours Jean Luc Mélenchon ont menacé de déposer des motions de censure pour faire tomber le gouvernement d’Élisabeth Borne. Face à ces menaces, Emmanuel Macron n’y est pas parti avec le dos de la cuillère. En cas de risque sérieux de vote d’une Motion de censure, il procédera à la dissolution du parlement comme la constitution de la cinquième république l’y autorise et appellera à de nouvelles élections législatives

Et pourtant ce scénario dramatisé par l’équipe Macron a peu  de chances de se réaliser et ce, pour deux raisons essentielles. La première est qu’il y a très peu de chances que les deux extrêmes de la vie politique française, droite et gauche, Marine Le Pen et Jean Luc Mélenchon, puissent s’accorder sur le même texte et le voter. Le fossé idéologique, les haines politiques recuites entre les deux camps, la compétition aiguë de leurs stratégies politiques de séductions font que leur possible accord sur un même texte punissant le gouvernement relève du miracle .

La seconde raison qui pourrait rassurer Emmanuel Macron est que ni la gauche ni la droite, dans leurs multiples versions, n’ont un intérêt politique à revenir devant les électeurs en un temps record après les derniers élections . Marine Le Pen a intérêt à « notabiliser «  son groupe parlementaire et à l’installer dans la durée. Tandis que la France insoumise n’est pas assurée de refaire les mêmes exploits électoraux.

Cette crainte de perdre demain comme par enchantement ce qu’ils ont acquis hier par la force d’une campagne électorale féroce, pourrait s’avérer la meilleure assurance vie pour Emmanuel Macron et la durée d’existence de son gouvernement. Mais elle ne règle pas le problème de sa gouvernance. Il ne peux gérer son second mandat à coups de 49.3 dont les malédictions pourraient se payer cash en termes de météo sociale.

S’il ne trouve pas de solutions durables à cette carence de majorité, Emmanuel Macron pourrait avoir à affronter deux théâtres de blocage et d’escalade politique et sociale. Le premier est le parlement où devant une opposition qui se sent  privée de débat démocratique, sa fuite en avant sous couvert du 49.3 finira par bloquer l’ensemble de l’architecture institutionnelle. Le second est la rue où devant les fermetures parlementaires, les passages en force, sera inondée de toutes  cette colère et cette frustration sociale, avec un risque majeur d’escalades et de violences incontrôlées.

 

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