Le ministre de l’Intérieur français au Maghreb pour parler radicalisation

La Tunisie, vers laquelle Paris souhaite expulser une vingtaine de Tunisiens soupçonnés d’être radicalisés, s’est dite prête à accueillir sous conditions « n’importe lequel » de ses ressortissants, après une visite vendredi du ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin.

M. Darmanin devait présenter lors de sa visite une liste de ressortissant tunisiens en situation irrégulière en France et soupçonnés d’être radicalisés, une démarche qu’il compte répéter dimanche en Algérie, selon son entourage.

La Tunisie est « prête à recevoir n’importe quel Tunisien », a indiqué à la presse le ministre tunisien de l’Intérieur Taoufik Charfeddine, après un entretien avec son homologue français.

« Mais cela doit se faire selon les conditions et règlements » prévus par le droit international et en « préservant la dignité du Tunisien », a-t-il ajouté.

Prévue de longue date, la visite de Gérald Darmanin a pris un tour nouveau avec l’attentat qui a fait trois morts dans la basilique de Nice (sud-est de la France) fin octobre. L’auteur présumé, Brahim Aouissaoui, grièvement blessé lors de son interpellation, est un Tunisien de 21 ans fraîchement arrivé en Europe.

Difficile de savoir si M. Aouissaoui s’est radicalisé en Tunisie ou après son arrivée en Europe fin septembre, et si l’opération a été planifiée avant son départ. « Le résultat de l’enquête tunisienne sera déterminant », avait indiqué la semaine dernière à l’AFP une source proche de l’enquête française.

Gérald Darmanin, qui a entamé sa tournée en Italie vendredi matin, a souligné depuis Rome que le combat « contre le terrorisme, c’est le combat que nous menons contre une idéologie », qualifiée « d’islamiste ». Il a appelé à « un combat culturel contre cette idéologie, sa finance, ses officines et ses appuis à l’étranger ».

« Dans les 30 derniers terroristes qui ont frappé le sol français, 22 étaient français, huit seulement étaient étrangers », a-t-il souligné, estimant que le « danger » était « aussi et manifestement surtout endogène ».

Outre son homologue tunisien, M. Darmanin a également rencontré le président Kais Saied, qui a assuré que les autorités tunisiennes « allaient essayer de trouver une solution aux obstacles actuels et à venir » en matière d’expulsion.

 

Hausse des départs

 

Cette tournée se poursuivra à Malte, où M. Darmanin souhaite notamment évoquer la réforme du système européen d’asile et d’immigration, avant une visite à Alger dimanche, sur la sécurité et de lutte contre l’immigration irrégulière.

Cela fait suite à une visite au Maroc en octobre, dans un contexte de hausse des départs clandestins depuis le Maghreb, alimentée par un chômage frappant la jeunesse et par le manque de perspectives politiques.

Parmi les 231 étrangers en situation irrégulière en France et suivis pour radicalisation, 70% sont du Maghreb et de Russie, où le ministre doit aussi se rendre « dans les prochains jours », a indiqué son entourage.

Concernant les Tunisiens, il s’agit d’une vingtaine de personnes condamnées, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire, et dont l’expulsion a jusqu’ici été refusée par la Tunisie qui invoque des restrictions liées à la pandémie de Covid-19, indique-t-on de source française.

Le sujet fait polémique en Tunisie, où la possibilité d’un retour au pays de Tunisiens ayant rejoint des groupes jihadistes en Syrie avait déclenché des manifestations hostiles en 2016.

 

 « Faire repartir la machine »

 

« Des terroristes de la France seraient prochainement parmi nous », s’inquiète le quotidien francophone Le Temps.

Plusieurs organisations, dont la Ligue tunisienne des droits de l’Homme ou le Forum des droits économiques et sociaux, ont déploré dans une pétition « les pressions politiques contre le gouvernement tunisien » par des gouvernements européens qui « profitent de l’effroi occasionné par les crimes effroyables commis par les terroristes pour se débarrasser des migrants sans papiers au mépris du droit et de la justice ».

Les discussions ont également porté sur les expulsions de droit commun.

L’objectif est de « faire repartir la machine » des expulsions vers ces pays, confirme-t-on dans l’entourage du ministre.

M. Darmanin doit proposer « des protocoles sanitaires » car le processus est notamment grippé par les restrictions liées à la pandémie.

M. Charfeddine a appelé à ne pas gérer la migration irrégulière de façon seulement sécuritaire, mais par « des solutions de développement, culturel et économique ».

Après un pic des départs en 2011, suivi d’une forte chute, les tentatives d’émigration illégale augmentent à nouveau depuis 2017 et les Tunisiens sont cette année les plus nombreux parmi les migrants arrivant clandestinement en Europe via l’Italie.

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