Sans intervenir ouvertement comme la Russie, Téhéran soutient activement le président Bachar al-Assad depuis le début en 2011 de la révolte qui a dégénéré en guerre civile, faisant plus de 240.000 morts.
Il lui fournit une assistance financière et militaire, y compris des conseillers. Des membres des Gardiens de la révolution, l’armée d’élite de la République islamique, sont également présents aux côtés des combattants de la milice chiite du Hezbollah libanais, alliée de Téhéran, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Le général Ghassem Souleimani, chef de la force al-Qods, chargée des opérations extérieures des Gardiens, se rend régulièrement en Syrie et en Irak.
Le président Hassan Rohani a récemment déclaré que la "priorité" de Téhéran était de renforcer le régime Assad pour combattre "le terrorisme", tenant ainsi un discours semblable à celui de la Russie.
M. Rohani plaide pour cela pour une grande coalition internationale "anti-terroriste" allant des Etats-Unis à la Russie, en passant par la Turquie, les pays européens, l’Iran, et même l’Arabie saoudite, son rival régional.
En recevant à New York le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a récemment reconnu le rôle joué par l’Iran en lui demandant "d’user de son influence pour promouvoir une solution politique".
Téhéran entretient des relations privilégiées avec Damas depuis l’instauration de la République islamique en Iran en 1979. La Syrie, pays majoritairement sunnite mais dirigé par une minorité alaouite, émanation du chiisme, a d’ailleurs été l’un des rares pays arabes à soutenir Téhéran durant la guerre Irak-Iran dans les années 1980.
"L’Iran est un acteur incontournable dans la résolution de la crise syrienne, c’est clair dans l’esprit de tout le monde", affirme François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France à Téhéran entre 2001 et 2005.
Ce rôle de premier plan a été encore renforcé par l’accord nucléaire conclu le 14 juillet entre l’Iran, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. Il a remis Téhéran au centre du jeu diplomatique et économique, comme en témoigne le défilé quasi-permanent de dirigeants politiques et hommes d’affaires européens dans la capitale iranienne.
"Occuper le terrain" en Syrie
Preuve de la défiance qu’il suscitait jusqu’à cet accord, l’Iran n’avait pas été invité à participer aux conférences internationales sur la Syrie qui s’étaient tenues à Genève en 2012 et 2014.
En attendant d’éventuelles discussions diplomatiques, "l’Iran fait plus que jamais équipe avec la Russie sur le dossier syrien", souligne M. Nicoullaud. Avec, comme stratégie, de "régler d’abord la question des terroristes, éliminer Daech (acronyme arabe de l’EI) avant, dans un deuxième temps, poser les questions institutionnelles".
Sur le plan militaire, "les Russes bombardent, mais il va falloir maintenant occuper le terrain et les Iraniens vont jouer un rôle précieux", selon lui. Car ils peuvent "mobiliser les Irakiens, les Afghans, envoyer eux-même des hommes. Les Iraniens sont les seuls qui peuvent envoyer des troupes au sol. L’armée syrienne est à bout de souffle".
Mais, précise l’expert, "les uns et les autres savent bien que les choses ne peuvent pas redevenir comme avant en Syrie".
L’Iran n’a jusqu’à présent pas présenté ses conditions et ses éventuelles concessions pour d’éventuelles négociations sur l’avenir de la Syrie et la place réservée à Assad.
Pour Farhang Jahanpour, spécialiste de l’Iran et professeur à l’université d’Oxford, l’un des risques est que le conflit ne dégénère complètement en guerre religieuse.
"Si l’Iran devait être vu comme la seule puissance majeure soutenant les Russes en Syrie, cela apparaîtrait comme un conflit entre chiites et sunnites, avec la Russie prenant partie pour les chiites et l’Occident pour les sunnites", a-t-il expliqué lundi au Tehran Times. "Ce scénario serait extrêmement dangereux pour l’Iran et déchirerait encore davantage la région sur des lignes sectaires", selon lui.
La Syrie est l’un des dossiers, avec le Yémen et Bahrein notamment, qui opposent l’Iran à son grand rival régional, l’Arabie saoudite. Les deux pays s’accusent mutuellement de déstabiliser le Moyen-Orient pour pouvoir le dominer politiquement, militairement et religieusement.