Hubert Védrine : « L’Afrique peut devenir le nouvel ‘Eldorado’ de la France »
A l’occasion d’un grand forum économique France-Afrique auquel prend part le ministre marocain de l’Industrie et du commerce, Moulay Hafid Elalamy, et de la présidente du patronat (CGEM), Meriem Bensalah Chaqroun, qui réunira mercredi 4 décembre près de 600 patrons à Bercy à la veille du Sommet de l’Elysée sur la paix et la sécurité en Afrique, l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, doit remettre demain un rapport au ministre de l’Economie Pierre Moscovici sur les relations entre la France et le continent africain. Dans ce rapport, M. Védrine estime que «L’Afrique subsaharienne peut devenir le nouvel « Eldorado » de la France, la source de très nombreux emplois, jusqu’à 200.000 emplois dans les cinq prochaines années ».
Selon l’ancien ministre, depuis plus six ans, la croissance économique du continent se situe juste derrière celle de l’Asie. "Elle a été en moyenne de 5% par an et devrait atteindre 6,4% l’an prochain ! Même si elle ne représente encore que 2% du commerce mondial, l’Afrique a connu la plus forte croissance dans les échanges internationaux entre 2000 et 2011. C’est le continent qui épargne le plus après l’Asie : les réserves de change y sont estimées à 500 milliards de dollars », a-t-il relevé.
Hubert Védrine déplore qu’"entre 2000 et 2011, la part de marché de nos entreprises au Sud du Sahara a baissé de 10% à moins de 5%, même si en valeur les exportations françaises ont doublé". Entre-temps, a-t-il poursuivi, la part de marché de la Chine sur le continent est passée de moins de 2% en 1990 à plus de 16% en 2011, tandis que nombreux autres pays, comme l’Inde, les Etats-Unis ou le Brésil, ont intensifié leurs liens avec l’Afrique.
Parmi les propositions contenues dans ce rapport, Hubert Védrine, optimiste, propose une mesure concernant les étudiants africains. « Notre idée est la suivante : pour les étudiants étrangers, les frais d’inscription dans nos universités sont faibles comparés à ceux demandés dans la plupart des grands pays occidentaux. Nous proposons de les augmenter légèrement et de consacrer une partie de la somme supplémentaire ainsi récoltée à l’attribution de bourses d’excellence réservées à des étudiants africains ».
L’ancien ministre des Affaires étrangères propose également d’élargir la zone CFA afin de constituer une vaste zone de stabilité monétaire. "Nous pourrions y inclure des pays lusophones et anglophones, tels le Nigéria, le Ghana ou l’Angola. Nous verrons comment réagiront à cette proposition les chefs d’Etat africains que François Hollande réunit le week-end prochain à l’Elysée pour le sommet sur la paix et la sécurité sur le continent", a-t-il dit.
Enfin, Hubert Védrine avance l’idée d’une fondation franco-africaine pour "incarner et porter ce renouveau". « Il nous semble essentiel qu’il y ait un suivi de ces questions, sans pour autant créer une organisation lourde. Ce serait la mission d’un établissement mixte, public privé, dont l’activité serait centrée sur le renforcement des liens entre la France et l’Afrique – une idée simple qu’on peut mettre en œuvre rapidement », a-t-il souligné.
Alerte marocaine
Lors d’une intervention le 19 novembre à Paris sous le thème "France-Maroc: recherche convergente de la compétitivité et de l’emploi", le ministre marocain de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique, Moulay Hafid Elalamy s’était adressé aux hommes d’affaires français pour souligner leur retard en Afrique.
"Aujourd’hui vous perdez des positions », avait-t-il dit aux chefs d’entreprises français. « Si les opérateurs français ne se réveillent pas pour s’intéresser sérieusement à l’Afrique, ils vont perdre des positions stratégiques », avait alerté le ministre marocain, les invitant à opter pour le Maroc comme hub pour l’Afrique.
« On ne peut pas perdre de positions sans stratégie en face. Le Maroc, ce n’est pas un hub de passage obligé mais une carte additionnelle. Utilisez-la sans modération », avait martelé Moulay Hafid Elalamy.
Pour le ministre, le Maroc "offre une capacité de compétitivité accrue" dans un contexte mondialisé où "les Français sont en plein combat pour gagner du terrain".