"Nous sommes soulagés de l’avoir trouvé. Malheureusement, il y a eu des victimes innocentes, mais il y aurait pu en avoir plus". "Nous ne pouvions pas aller plus vite. Nous aurions bien aimé", déclare-t-il dans l’édition du quotidien datée de samedi.
"Il était impossible de dire dimanche soir: "c’est Merah, il faut aller l’attraper", affirme le responsable de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). "Lui-même n’avait d’ailleurs pas prévu d’attaquer l’école juive lundi matin. Selon ses déclarations lors du siège par le RAID, il voulait tuer un autre militaire mais il est arrivé trop tard", souligne-t-il. "Et comme il connaît bien le quartier, il a improvisé et a attaqué le collège-lycée Ozar-Hatorah".
Mohamed Merah, tué jeudi lors de l’intervention du RAID dans l’appartement toulousain où il était retranché depuis 32 heures, avait été repéré par le renseignement intérieur après son premier voyage en Afghanistan. Après un simple contrô le routier à Kandahar, en novembre 2010, les policiers afghans l’avaient remis aux Américains qui "l’ont forcé à remonter dans l’avion pour rentrer à Kaboul". "La direction de la sécurité et de la protection de la défense (DPSD), un des services de renseignement des armées, nous a signalé l’incident", précise Bernard Squarcini. A l’époque, "nous faisons une enquête pour voir ce qu’il vaut. Mais n’y a rien. Pas d’activisme idéologique, pas de fréquentation de la mosquée".
A l’automne 2011, le renseignement intérieur convoque le jeune homme, "parce nous voulons recueillir des explications sur son voyage en Afghanistan". Mohamed Merah appelle en octobre, expliquant qu’il est au Pakistan. Il rappelle le 3 novembre de l’hô pital de Purpan où il est soigné pour une hépatite. Ensuite, il viendra "à l’entretien avec sa clé USB qui contient ses photos de voyage" et racontera "tout le parcours touristique" qu’il a réalisé. Il dit avoir séjourné au Pakistan pour trouver une épouse.
Après l’entretien de l’automne 2011, "des dispositions ont été prises, la DCRI l’a notamment inscrit au fichier des personnes recherchées pour être informé en cas de contrô les et de déplacements", précise le directeur central du renseignement intérieur.
C’est le 16 mars, après les meurtres de Montauban la veille, que la DCRI a commencé à échanger avec la police judiciaire, précise Bernard Squarcini. Le nom de la mère de Mohamed Merah, qui figure dans la liste des adresses IP des consultations de la petite annonce passée par le premier soldat tué le 11 mars à Toulouse, est isolé lors du week-end. "Mais le dimanche soir, il n’y a pas que ce nom-là", précise Bernard Squarcini. Et "cela ne fait pas encore d’elle et de ses deux fils des suspects".
C’est après la tuerie de l’école juive que "l’hypothèse djihadiste reprend du poids", raconte-t-il. Lundi soir, "notre direction régionale nous donne une liste de six noms d’islamistes radicaux et six noms de membres de l’ultradroite. Ils ont un profil qui peut laisser penser qu’ils ont pu basculer". Mohamed, et pas son frère, figure dans la liste. Le jeune homme est "quelqu’un qui a un comportement violent dès sa petite enfance, qu’on ne peut rattacher à aucune typologie".
Le 20 mars, les services estiment qu’il peut correspondre au profil mais qu’il faut interpeller en même temps sa mère et son frère. C’est alors que se décide le moment de l’opération pour les interpeller mais "on n’a pas de certitude à cette heure-là".
Lors du siège de son appartement par les forces du RAID, Mohamed Merah a "souhaité parler avec le policier de la direction régionale du renseignement intérieur (DRRI) de Toulouse qui l’avait rencontré en novembre". Il se serait confié, allant jusqu’à dire "de toute façon, je devais t’appeler pour te dire que j’avais des tuyaux à te donner, mais en fait j’allais te fumer", rapporte le directeur central du renseignement intérieur. "C’est un Janus quelqu’un qui a une double face", résume-t-il.