Malgré des échanges de tirs sporadiques dans la soirée de mardi, au sud de la capitale, ce cessez-le feu semble globalement respecté par les groupes armés impliqués dans les combats qui ont fait au moins 50 morts depuis le 27 août.
Les analystes jugent toutefois cette trêve très précaire, et la Mission de l’ONU (Manul), qui affirme avoir rassemblé mardi tous les belligérants, a elle-même admis le caractère minimaliste de sa démarche.
La réunion "ne visait pas à résoudre tous les problèmes de sécurité de la capitale" mais à "s’accorder sur un cadre" pour des pourparlers plus larges, a-t-elle commenté.
Issu d’un accord politique libyen (APL) signé fin 2015 au Maroc sous l’égide de l’ONU, le Gouvernement d’union nationale (GNA) a échoué à mettre en place des forces de sécurité unifiées et a continué à s’appuyer sur des milices, pour sa sécurité et celle de la capitale.
Les grandes milices tripolitaines se sont dès lors transformées en cartels, infiltrant les cercles du pouvoir politique et de l’économie.
Il est en particulier reproché au GNA de ne pas avoir mis en oeuvre des "arrangements de sécurité" de l’accord de 2015, qui prévoyaient le départ des groupes armés des grandes villes et l’intégration des miliciens dans des forces de sécurité régulières.
"Statu quo insoutenable"
"Les combats ont bouleversé ce qui constituait un statu quo insoutenable à Tripoli", affirme à l’AFP Wolfram Lacher, chercheur à l’Institut allemand de politique internationale et de sécurité (SWP).
Co-auteur d’un récent rapport intitulé "capitale des milices", il relève que des groupes armés de certaines villes ont constaté leur mise à l’écart "dans l’accès aux richesses et au pouvoir" dans la capitale.
Les combats au sud de Tripoli ont ainsi opposé des groupes venus, notamment, de Tarhouna et de Misrata à des milices tripolitaines théoriquement sous l’autorité du GNA.
Pour M. Lacher, "bien que catastrophiques, les combats actuels ont aussi ouvert une fenêtre d’opportunité pour négocier des arrangements de sécurité plus durables à Tripoli".
Mais "cette opportunité peut se refermer rapidement", car "le cessez-le-feu est très fragile et le risque d’une nouvelle escalade est réel", prévient-il.
L’ONU "pourrait aider à superviser de tels arrangements", à la condition qu’ils se doublent de négociations politiques et du soutien actif des pays occidentaux, dit encore M. Lacher.
"Nouveau plan de sécurité"
Mais "il semble évident que la +communauté internationale+, après avoir failli à toutes ses obligations envers la Libye, est aujourd’hui impuissante et dépassée par les événements", affirme Karim Bitar, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
Tahar El-Sonni, un conseiller de Fayez al-Sarraj, le chef du GNA, a fustigé ceux qui ont "failli, selon lui, à leurs promesses" de mettre fin aux divisions, et demandé des comptes à ceux qui veulent saper le processus politique en Libye, sans mentionner de noms.
"Au-delà d’un cessez-le-feu immédiat, il faut maintenant un nouveau plan de sécurité pour la capitale et une forme de remaniement politique", juge Claudia Gazzini, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG).
Omran Khalil, un analyste libyen, déplore toutefois la politique à courte vue de la communauté internationale dont la priorité est, selon lui, de "préserver ce qui reste du GNA".
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