Fin des hydrocarbures en France: vers une large approbation de l’Assemblée

En finir avec la production d’hydrocarbures: l’Assemblée nationale s’apprête mardi à faire un pas en ce sens en adoptant le projet de loi « Hulot », un texte aux lourds enjeux industriels que les députés ont parfois restreint, au grand dam notamment d’ONG.

Le ministre de la Transition écologique et solidaire et ancien militant, dont c’est le premier texte porté devant le Parlement, s’est livré à un exercice d’équilibriste, entre idéal et pragmatisme.

Son projet de loi "mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures" d’ici 2040 devrait finalement recueillir une très large majorité (LREM, MoDem, PS), lors du vote solennel prévu en milieu d’après-midi. Les élus Constructifs et Front de gauche vont majoritairement s’abstenir. LR votera contre, déplorant notamment de "l’obscurantisme".

Chef de file des députés LREM sur ce texte et ex-bras droit du ministre à la Fondation Hulot, Matthieu Orphelin vante "de vraies avancées, n’en déplaise à certains", et un travail parlementaire "qui a dépassé les clivages politiques".

Des voix divergentes se sont néanmoins fait entendre dans chaque groupe, comme chez les socialistes de Nouvelle Gauche, où David Habib (Pyrénées-Atlantiques), notamment, devrait voter contre, convaincu qu’"aucun pays au monde ne suivra la France".

Nicolas Hulot, qui entend à l’inverse montrer l’exemple, en a appelé à "un sursaut de la communauté internationale" face au réchauffement climatique.

La France n’a cependant jamais été gros producteur: 815.000 tonnes de pétrole par an, essentiellement dans les bassins parisien et aquitain, soit 1 % de la consommation nationale.

Pour concrétiser la promesse du président, Emmanuel Macron, de "sortir la France des énergies fossiles" (pétrole, gaz, charbon…), le projet de loi prévoit de ne plus délivrer de nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures, liquides ou gazeux. Et les concessions d’exploitation existantes ne seront pas renouvelées au-delà de 2040.
#BusinessAsUsual

Mais lors des débats dans l’hémicycle, durant deux journées denses la semaine dernière, les députés ont voté des exceptions, justifiées notamment par la nécessité de mieux "sécuriser" juridiquement le projet de loi. Ainsi la production pourra se poursuivre au-delà de 2040 si l’industriel titulaire d’un permis n’est pas rentré dans ses frais par rapport aux recherches préalables.

Une autre dérogation a été votée pour permettre la poursuite de l’exploitation du soufre du bassin de Lacq, sous l’impulsion de députés des Pyrénées-Atlantiques et au nom du maintien des emplois.

La définition des techniques interdites, au-delà de la fracturation hydraulique déjà proscrite, a également été modifiée, via un amendement du gouvernement adopté dans l’hémicycle. Plusieurs ONG ont critiqué un vote qui "vide de tout son sens" l’interdiction.

Globalement, Les Amis de la Terre, Attac France et 350.org jugent que "l’Assemblée nationale gâche une opportunité unique".

"#MakethePlanetGreatAgain ou #BusinessAsUsual, il va bien falloir choisir", a lancé le mouvement altermondialiste Attac, en écho à l’appel d’Emmanuel Macron au président américain, Donald Trump, qui a décidé de quitter l’accord de Paris sur le climat de 2015.

Pour Europe-Ecologie-Les Verts aussi, "la riposte des lobbies pétroliers a conduit à nombre de reculs". Les industriels se sont conduits "en représentants de commerce" à tous les niveaux de décision, ont assuré à l’AFP plusieurs parlementaires.

Le parti écologiste voit dans le texte la traduction "des rapports de force gouvernementaux, laissant à Hulot la liberté communicationnelle mais l’empêchant de mener à terme ses réformes".

Même si jusqu’à ses plus farouches opposants au Palais Bourbon ont salué sa capacité d’"écoute", le ministre ne sort pas indemne de ces débats.

L’ex-titulaire du portefeuille, Ségolène Royal (PS), a tiré dimanche une "petite sonnette d’alarme" sur plusieurs de ses dossiers, dont celui des hydrocarbures.

Peu avant le passage du projet de loi, Nicolas Hulot a en effet prolongé un permis exclusif d’exploration détenu par Total au large de la Guyane, ce à quoi Ségolène Royal s’était refusée malgré de "très fortes pressions".

AFP

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