Ce dimanche 2 octobre, les yeux des pays latino-américains seront braqués sur le plus grand pays de la région, le Brésil, où se déroule une élection présidentielle cruciale qui pourrait confirmer le retour en force de la gauche dans la région.
En cas de victoire du favori de ce scrutin dans les sondages depuis plusieurs mois, l’ex-président Lula Da Silva, le Brésil pourrait devenir le dixième pays qui tomberait dans l’escarcelle d’un parti de gauche, le PT (Parti des Travailleurs) qui aura réussi à construire une large alliance autour de son candidat.
Vu des autres pays d’Amérique Latine, le PT est également galvanisé par le mouvement inexorable de retour de la gauche aux affaires dans plusieurs pays de la région après une traversée du désert qui aura duré une dizaine d’années.
Toutefois, les observateurs ne sont pas aussi tranchants que les sondeurs, malgré la différence de 10 points dans les intentions de vote qui séparent le favori Lula (45%) de son poursuivant immédiat, l’actuel président Jair Bolsonaro (35%), alors que les 9 autres candidats trainent loin derrière en deçà de 9%.
Quel que soit le gagnant dans la nuit de dimanche à lundi prochains, ses décisions à partir du 3 octobre auront un impact certain sur l’agenda économique de l’ensemble de la région en raison du poids du Brésil, dont le PIB équivaut à environ 30% de l’ensemble de la région latino-américaine.
Le plus grand intérêt pour ce scrutin est exprimé par les pays du Marché commun du sud (Mercosur) qui regroupe, outre le Brésil, ses voisins immédiats du sud et sud-ouest que sont l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay.
Les conséquences de cette élection sur les orientations du Mercosur sont évidentes, d’autant que l’actuel président avait montré à plusieurs reprises son désir de « fléxibiliser » les règles de ce groupement en vue d’une ouverture plus grande sur le Monde. Bolsonaro est soutenu dans cette démarche par l’Uruguay alors que l’Argentine s’y est opposée de manière catégorique, avant d’atténuer sa position récemment.
L’analyste Julieta Zelicovich a indiqué récemment à la presse argentine qu’avec l’éventualité de Lula au pouvoir, les pays qui sont sensibles à ses idées espèrent redonner une nouvelle impulsion aux « agendas à caractère social et aux politiques d’intégration de l’Amérique latine ».
Les partenaires régionaux du Brésil attendent du prochain président de fixer le cap en matière d’ouverture sur les marchés du sud-est asiatique, notamment la Chine.
Il est généralement admis que Bolsonaro va œuvrer en faveur de la recherche de nouvelles opportunités d’affaires en dehors du Mercosur, alors que son rival privilégierait le consensus avec les voisins avant d’entamer le processus d’ouverture.
En dehors du Mercosur, les autres pays de la région considèrent unanimement que le résultat de ce scrutin au Brésil sera « la clé » du futur proche en Amérique latine, dans un contexte mondial convulsé et une reprise post-pandémique en dents de scie.
La question de l’environnement constitue un autre prisme à travers lequel les pays d’Amérique Latine appréhendent le scrutin au Brésil.
La déforestation galopante de l’Amazonie, dont la majeure partie se trouve en territoire brésilien, est attribuée à la politique permissive de Bolsonaro, alors que Lula est perçu comme pro-environnement dont les actions pourraient s’inscrire en harmonie avec celles des autres pays amazoniens.
Les partis à sensibilité de gauche qui tiennent les rênes notamment en Argentine, en Colombie, au Pérou, au Chili et au Mexique ne cachent pas leur souhait de voir Lula triompher dimanche prochain. Plus que le retour de l’ancien président au pouvoir à Brasilia, c’est le fait de voir Bolsonaro écarté qui serait un véritable soulagement pour eux. Dans ses commentaires à l’égard des régimes qui gouvernent ces pays, le chef de l’Etat sortant ne faisait pas de quartier.
Il est une maxime qui résume cet intérêt de l’Amérique Latine pour les élections au Brésil. L’ancien président américain Richard Nixon avait dit dans les années 70 ces mots restés gravée dans le marbre : « Là où va le Brésil, l’Amérique Latine ira ».
Dimanche on saura où ira l’Amérique Latine.