Darmanin et les leçons d’un fiasco

Le fiasco du projet de loi sur l’immigration portée par Gérard Darmanin, ministre de lintérieur, a certes été présenté comme un spectaculaire désaveu de la gouvernance d’Emmanuel Macron et d’Elisabeth Borne. Leur usage excessif du fameux article de la constitution 49.3 qui leur permet d’anesthésier le débat et le vote parlementaire a fini par énerver profondément la représentation nationale au point de se saisir de ce débat pour solder des comptes.

Mais l’échec fut d’abord celui du ministre Gérald Darmanin, une des personnalités du Parti Républicain qui avait rejoint Macron dans son aventure politique. Réputé proche de Nicolas Sarkozy jusqu’au mimétisme par son comportement, Darmanin n’était pas qu’un simple ministre de l’intérieur. Depuis qu’il est à son poste, il s’est mis dans la peau de celui qui peut, seul, pouvoir prétendre croiser le fer avec l’extrême droite de Marine Le Pen. C’est sans doute pour ces raisons qu’il avait choisi d’accentuer la tension sur des sujets phares, considérés comme l’unique fonds de commerce de ses succès médiatiques, l’immigration et l’insécurité.

A plusieurs reprises, Gérald Darmanin avait donné cette impression de courir derrière l’extrême droite. L’idée maîtresse étant de ne pas laisser à cette extrême droite le monopole de la défense des Français face à ce qui est opportunément présenté comme de menaces réelles ou fantasmées, les questions migratoires. Le choix d’élaborer une nouvelle loi sur l’immigration était une réponse politique d’Emmanuel Macron à la détérioration de la situation sécuritaire dans le pays, mais la décision de porter cette loi et de tenter d’arracher une majorité parlementaire était le choix personnel de Gérard Darmanin.

Les arrières pensées politiques de ce choix étaient lisibles pour tout le monde. G. Darmanin voulait se saisir de ce défi pour démontrer sa capacité à avoir une majorité parlementaire là où d’autres ministres notamment la première d’entre eux, Elisabeth Borne, ont spectaculairement échoué et étaient contraint de recourir à la facilité constitutionnelle du 49.3. Sûr de lui et de sa bonne étoile, confiant de ses capacités à générer un consensus parlementaire, G. Darmanin était parti à la conquête de la confiance parlementaire. Il faut dire que l’homme n’avait ménagé aucun effort, aucune concession pour tenter de construire le plus large consensus.

Le passage de la loi devant le Sénat qui l’avait adopté, après quelques modifications satisfaisantes pour le parti de la droite républicaine, avait suscité tous les enthousiasmes. Le passage devant l’assemblée nationale sera sans doute dur mais pas impossible. Ce fut le grand crash. Extrême droite, droite et extrême gauche sont liguées pour faire barrage à cette loi.  Le Palais Bourbon refuse même sa discussion et renvois Darmanin dans ses filets.

Pour le ministre de l’Intérieur, il s’agissait d’un examen grandeur nature d’entrée dans la cour des prétendants aussi bien à Matignon au poste de premier ministre qu’à l’Elysée comme potentiel candidat pour faire barrage à ce qui apparaît aujourd’hui comme une inévitable accession de l’extrême droite au pouvoir en 2027.

Dans le cas où Darmanin avait réussi son coup sur cette loi immigration, il aurait conforté son statut d’unique personnalité capable de porter les espoirs à la fois de la droite républicaine et de la majorité présidentielle dans la prochaine course présidentielle. Son échec est sans doute le fruit d’une volonté de quelques cercles de sa famille politique de ne pas lui faciliter le parcours. Darmanin entretient des relations exécrables avec l’actuel direction du Pari Les républicains qui le considère toujours comme ayant renié ses engagements pour servir les ambitions politiques d’Emmanuel Macron.

Il est aussi de notoriété publique que sa relation avec l’actuel Première ministre Élisabeth Borne s’inscrit plus dans une logique de concurrence que de complicité. Récemment, Darmanin était présenté comme le seul capable de reprendre le poste de Premier ministre et de dynamiser l’équipe gouvernementale depuis Matignon. Aigreurs et grincements de dents ont marqué leurs relations depuis qu’Emmanuel Macron avait décidé de prolonger le bail de Borne à son poste.

Avec ce camouflet, réunir autour de son nom la droite, le centre et la majorité présidentielle pour prétende accéder aux fonctions suprêmes n’est plus chose aisée. Cette loi sur l’immigration et les conditions de son échec ont compliqué les ambitions de M. Darmanin.

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