Il s’agit là, peut-être, des manifestations de modes de consommation contemporains, notamment durant le mois sacré de Ramadan, qui revêtent un caractère particulier dans lequel les facteurs psychologiques, sociologiques, culturels et économiques sont entremêlés et alimentés par des manœuvres publicitaires qui exacerbent les besoins du consommateur et atténuent souvent sa faculté de rationaliser.
Cette consommation compulsive pendant le mois de Ramadan conduit à s’interroger sur les raisons de cette attitude durant une période sacrée censée être une occasion de dévotion, d’élimination des mauvaises habitudes et de rationalisation du comportement humain pour répondre aux exigences de la philosophie du jeûne et à ses objectifs religieux.
Dans une déclaration à la MAP, le socio-anthropologue Ayad Ablal, a considéré que le phénomène de la ruée vers les denrées alimentaires pendant le mois de Ramadan, et éventuellement le recours à l’emprunt à cet effet, en sus du gaspillage de nourriture et de la consommation excessive qui s’ensuit, relèvent de la « religiosité manifeste/carnavalesque » qui entrave la sacralité du mois sacré et le dépourvoit de sa profondeur spirituelle dans ses dimensions civiques et morales.
La consommation excessive constitue l’une des manifestations de la « violence consumériste » qui exacerbe l’injustice et l’exclusion sociale en faveur de ceux qui ont les moyens de consommer au détriment de ceux qui n’en ont pas et chez qui le sentiment d’oppression et d’infériorité augmente, a souligné le chercheur, ajoutant que « la prééminence de la dimension carnavalesque de la religion présente la religiosité, elle-même, comme un facteur de toutes sortes de déviations ».
M. Ablal a également expliqué que la consommation, en tant que comportement individuel intrinsèque à la personnalité, est indissociable de l’individualisme culturel et social dans le cadre duquel les institutions de socialisation, de la famille à l’école en passant par les médias, jouent un rôle majeur dans le façonnement de la culture de la consommation conformément au paradigme social.
Dans une déclaration similaire, le président du Conseil local des oulémas de la préfecture de Skhirat-Témara, Lahcen Ben Brahim Sguenfle, a, pour sa part, estimé que l’extravagance et le gaspillage sont considérés comme les plus grands maux sociaux de la loi islamique, soulignant que l’une des plus importantes visées de la Charia à travers le jeûne du Ramadan est de ressentir les conditions des pauvres et des nécessiteux et de se détacher de ses désirs propres. Il a également considéré la rationalisation de la consommation et des dépenses comme un précepte religieux et un comportement civilisé.
L’approche de modération dans la consommation admet également des dimensions sanitaires, selon le nutritionniste Nabil El Ayachi, qui a confirmé dans une déclaration à la MAP que la modération de la consommation alimentaire en adoptant une alimentation équilibrée, en termes de quantité et de qualité, contribue à satisfaire tous les besoins du corps en termes de bienfaits nutritifs.
Et d’ajouter que le jeûne du mois de Ramadan est une occasion annuelle qui permet au corps d’éliminer les toxines accumulées tout au long de l’année, d’atteindre des objectifs de minceur et de perte de poids, et en plus d’apporter plusieurs bienfaits pour la santé à condition de respecter une alimentation naturelle et équilibrée après le coucher du soleil.
Réfutant l’idée selon laquelle une alimentation saine et naturelle serait coûteuse, M. El Ayachi a évoqué plusieurs aliments et repas marocains à la fois nutritifs et économiques tels que les céréales, les légumineuses, l’huile d’olive et les dattes, soulignant l’importance de consommer des fruits et légumes de saison dont les bénéfices pour le corps seraient nombreux et les prix abordables.
S’agissant des meilleurs moyens de rationaliser la consommation et ainsi les dépenses financières, notamment pendant le Ramadan, le coach en développement personnel, Mohamed Benssassi, a, dans une déclaration à la MAP, recommandé un ensemble de conseils financiers après avoir pointé du doigt les erreurs les plus courantes commises par le consommateur dans sa gestion financière.
Après avoir expliqué le concept de rationalisation de la consommation comme un processus conscient qu’entreprend l’individu pour répondre à ses différents besoins sans pour autant restreindre ses ressources où tomber dans le gaspillage et l’outrance, M. Benssassi a souligné que la principale erreur commise serait d’ignorer ses priorités et de ne pas tenir compte de son pouvoir d’achat.
À cet égard, M. Benssassi a indiqué que l’ordre de priorité peut être classé sur trois niveaux, à savoir les dépenses essentielles (biens et services dont on ne peut se passer), les dépenses destinées à satisfaire des besoins (biens et services qui facilitent la vie au quotidien comme l’électroménager, la voiture, le téléphone …) ainsi que les dépenses accessoires.
Il a en outre estimé que le mois de Ramadan représente une opportunité pour s’exercer sur la rationalisation de la consommation et des dépenses ainsi qu’une occasion d’économiser tout au long du mois qui appelle à l’adoption de règles conceptuelles de base dont la première est de reconsidérer Ramadan comme un mois de jeûne et de piété et logiquement une période « dans laquelle nous devrions consommer moins que dans le reste de l’année ».
La deuxième règle, selon l’expert, serait de se débarrasser des mauvaises habitudes liées aux déséquilibres dans la gestion du temps et de la nourriture, comme rester éveillé la nuit, une habitude qui s’accompagne d’une plus grande consommation de nourriture, de boissons, d’électricité et d’internet ce qui nuit à la fois au budget familial et à la santé.
Ainsi, le mois de Ramadan peut constituer une période particulière pour expérimenter des défi sur les plans religieux, sanitaire et financier en adoptant une politique de rationalisation générale des comportements qui produirait de bonnes habitudes et pratiques à adopter, non seulement pendant le mois de Ramadan, mais tout au long de l’année.