Algérie: «humiliés» par les propos de Bensalah à Poutine, les Algériens en masse dans la rue

Vendredi, les manifestants ont troqué la cible habituelle de leurs slogans –l’omniprésent général Gaïd Salah– par l’effacé Abdelkader Bensalah, président par intérim.
Diffusées par la chaîne RT (ex-Russia Today), ses déclarations au président Vladimir Poutine, qu’il «tient à rassurer» sur la situation «sous contrôle» en Algérie et qui minimisent l’ampleur de la contestation, ont enflammé les réseaux sociaux algériens et le «Hirak».

A la veille de l’expiration du délai de dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle du 12 décembre, les Algériens manifestent à nouveau en masse vendredi contre le pouvoir, aiguillonnés par des propos polémiques du chef de l’Etat par intérim.

Les rues du centre d’Alger sont noires de monde pour ce 36e vendredi consécutif de contestation contre le «système» au pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 et contre la présidentielle destinée à élire un successeur à Abdelaziz Bouteflika, poussé à la démission le 2 avril par les manifestations.

«Il n’y aura pas de vote», proclame une pancarte portée par un manifestant.

«Humiliation»

Ce vendredi, les manifestants ont troqué la cible habituelle de leurs slogans –l’omniprésent général Gaïd Salah– par l’effacé Abdelkader Bensalah.

Diffusées par la chaîne RT (ex-Russia Today), ses déclarations au président Vladimir Poutine, qu’il «tient à rassurer» sur la situation «sous contrôle» en Algérie et qui minimisent l’ampleur de la contestation, ont enflammé les réseaux sociaux algériens et le «Hirak».

«J’ai demandé cet entretien pour vous rassurer que la situation est maîtrisée et que nous sommes capables de surmonter cette étape cruciale», a-t-il déclaré au président russe, évoquant même «quelques personnes qui sortent périodiquement dans la rue…».

«Les propos de Bensalah devant Poutine ont été ressentis comme une humiliation du Peuple et de l’Algérie», explique Saïd Salhi, de la LADDH.

Sur les réseaux sociaux, le mot «humiliation» revenait en boucle et les internautes rappelaient celle déjà ressentie face à l’entêtement de M. Bouteflika, octogénaire et affaibli par la maladie, à se représenter, ce qui avait déclenché les premières manifestations.

D’’importants rassemblements se déroulent également dans plusieurs autres villes du pays, selon les témoignages et images postés sur les réseaux sociaux.

Comme à Alger, les manifestants réclament en outre la libération de la centaine de «détenus d’opinion», manifestants, militants ou journalistes, incarcérés depuis juin pour des faits liés au «Hirak».

Arrêtés respectivement mercredi et jeudi, le rédacteur en chef d’un quotidien local, Mustapha Bendjama, et un militant de la LADDH, Kadour Chouicha, ont été relâchés jeudi.

Entré mardi dans son 9e mois, le Hirak «se renforce au fur et à mesure que nous approchons de la présidentielle», explique Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH), présent dans le cortège algérois.

«Il y a beaucoup de monde dans les rues d’Alger», avec «toujours la même détermination», se réjouit, -t-il.

C’est désormais, dit-il, «un vrai bras de fer» qui est engagé entre le pouvoir, qui entend mettre fin à la crise avec le scrutin du 12 décembre, et le mouvement populaire qui refuse que M. Bensalah, le général Gaïd Salah et M. Bedoui, ex-fidèles de Bouteflika, organisent des élections.

Candidats du «système»

Faute de candidats, le pouvoir avait dû annuler un précédente présidentielle, prévue le 4 juillet pour clore les trois mois d’intérim constitutionnel de M. Bensalah.

Cette fois, deux candidats issus du «système» ont déjà déposé leur dossier à l’Autorité nationale indépendante des Elections (Anie), nouvel organisme censé garantir la transparence et l’équité du scrutin.

Cinq autres candidats ont aussi pris rendez-vous avec l’Anie d’ici l’expiration du délai de dépôt des candidatures, qui expire samedi à minuit (23H00 GMT), selon l’institution.

Ancien ministre de M. Bouteflika, Azzedine Mihoubi a été le premier, mercredi, à déposer sa candidature au nom du Rassemblement national démocratique (RND), qui fut l’un des principaux soutiens du chef de l’Etat jusqu’à sa chute.

Azzedine Mihoubi en a pris la tête après l’incarcération du très impopulaire Ahmed Ouyahia, trois fois Premier ministre de M. Bouteflika et visé par des enquêtes pour corruption présumée.

L’islamiste Abdelkader Bengrina, ancien ministre, a déposé sa candidature le lendemain, au nom d’El-Bina. Ce petit parti est membre d’une coalition islamiste, dont l’un des membres a été élu en septembre à la présidence de l’Assemblée nationale, grâce aux voix du RND et du Front de libération nationale (FLN) de M. Bouteflika, détenteurs de la majorité absolue.

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