« Les autorités algériennes se sont attaquées à des dizaines de manifestant(e)s, journalistes et militant(e)s à coups d’arrestations arbitraires et de poursuites judiciaires, au motif qu’ils ont manifesté pacifiquement et exprimé des opinions politiques sur les réseaux sociaux », déplore l’Organisation de défense des Droits Humains dans une déclaration.
Dans une investigation menée sur 73 cas de militants du Hirak, de manifestants et de journalistes, Amnesty International affirme avoir « constaté qu’au cours des deux dernières années, les autorités ont eu recours à des arrestations arbitraires, à des poursuites et parfois à des condamnations à de lourdes peines de prison sur la base de dispositions floues du Code pénal »: « atteinte » à la sécurité nationale ou à l’intérêt national, « outrage » envers des fonctionnaires et « incitation » à un attroupement non armé.
Dans ses conclusions suite à cette investigation, Amnesty International épingle « les lois récemment adoptées qui criminalisent la diffusion de fausses informations ou le non-respect des mesures de confinement en cette période d’urgence sanitaire ». Ces lois ont été « invoquées pour intenter des poursuites contre plusieurs militants qui avaient appelé à reprendre la contestation ou avaient critiqué la gestion de la pandémie de COVID-19 par les autorités », dénonce l’ONG.
De même, souligne AI, « dans plusieurs cas, la police a fouillé les téléphones de manifestants et de militants, et d’après l’examen de documents judiciaires, les juges ont parfois retenu à charge des informations récupérées sur des applications de messagerie privée pour étayer les accusations portées contre ces personnes, en plus de les poursuivre pour des commentaires publics sur Facebook ».
« Certains militants et militantes ont vu leurs téléphones fouillés de manière intrusive, d’autres ont été licenciés par leur employeur parce qu’ils avaient été inculpés. Certains ont signalé avoir subi des actes de torture et des mauvais traitements durant leur détention », poursuit l’Organisation internationale.
« Les conclusions d’Amnesty International pointent vers une stratégie délibérée des autorités algériennes visant à écraser la dissidence, stratégie qui vient contredire leurs promesses en matière de respect des droits humains. Ces actions sont celles d’un gouvernement désireux de censurer son peuple parce qu’il manifeste sans violence et exprime des opinions critiques sur les réseaux sociaux. Ces méthodes répressives n’ont pas leur place dans une société respectueuse des droits », a déclaré Amna Guellali, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.
« De nombreuses personnes graciées par le président Abdelmadjid Tebboune ces derniers jours sont des manifestant(e)s pacifiques qui n’ont fait qu’exercer leurs droits à la liberté d’expression et de réunion et n’auraient donc jamais dû être arrêtées », affirme Amna Guellali.
Le 18 février, dans un discours à la nation, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé des élections législatives anticipées et déclaré qu’il avait ordonné la libération de dizaines de manifestants détenus ou poursuivis pour avoir participé au mouvement de contestation du Hirak ou pour des publications sur les réseaux sociaux. Au moins 37 ont été libérés les 19 et 20 février, mais 31 restent toujours en prison, selon le Comité national pour la libération des détenus, un groupe d’observation local.
« Le gouvernement algérien doit libérer immédiatement et sans condition tous les autres manifestant(e)s pacifiques, militant(e)s et journalistes qui font l’objet de poursuites ou sont incarcérés pour avoir manifesté ou exprimé leurs opinions pacifiquement, et doit abandonner toutes les charges retenues contre eux », affirme la directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International, qui a invité les autorités algériennes à « modifier ou abroger les articles de loi qui piétinent les droits à la liberté d’expression, en ligne comme hors ligne, et de réunion pacifique ».