Crise franco-marocaine, le piège
Les relations du Maroc avec l’un de ses alliés historiques et stratégiques, la France, sont rentrées, brutalement, dans une phase critique. C’est une suite d’incidents et de déclarations indignes et attentatoires à l’honneur du Maroc qui en est la cause. Comment a-t-on pu en arriver là ? Est-ce un simple accident de parcours ? Un sombre nuage que dissiperont demain les vents de la raison et du pragmatisme ?
Les stratèges militaires connaissent bien l’usage de la veille tactique de l’écran de fumée. Cette tactique consiste à émettre une fumée dense, à l’aide de grenades fumigènes en général, pour masquer une position, préparer ou repousser une offensive. L’Algérie et ses mercenaires du Polisario, simulateurs avertis, se sont approprié cette tactique de l’écran de fumée pour en faire un usage diplomatique et politique. A priori, ce choix s’est révélé payant car le piège a fonctionné. En dressant un écran de fumée, ils ont en effet réussi à faire d’une seule tactique plusieurs coups : détourner l’attention de l’opinion algérienne, écœurée par un débat surréaliste sur la santé du président Bouteflika et sa candidature à un quatrième mandat, détériorer l’amitié franco-marocaine, parasiter le voyage du Souverain marocain en Afrique et couvrir les revers subis par Alger sur la scène internationale, notamment au sujet du dossier du Sahara.
Sur le plan interne, Alger a toujours, dans les moments les plus délicats de son histoire nationale, eu recours à la thèse du complot et du « bouc émissaire » pour tromper son opinion, pour exempter ses dirigeants de leur responsabilité dans la gestion chaotique de l’Etat, et pour dissimuler les vraies causes (linguistiques, sociales et économiques) de la colère du peuple algérien. Depuis l’indépendance du pays, le régime des généraux a su habilement jouer avec les nerfs des algériens en entretenant « l’illusion de la menace islamiste» et le spectre de la guerre civile. Cette politique a produit un climat de suspicion et de la méfiance. Le Maroc, comme la France (l’ennemi historique), apparait dans cette politique de dissimulation comme une victime expiatoire. La campagne frénétique menée tout le long de la frontière (toujours fermée) Ouest de l’Algérie, au nom de la lutte contre le trafic frontalier, n’est qu’un aspect de cette politique de fuite en avant. Elle est doublée d’une offensive diplomatique et médiatique intense contre les intérêts marocains à travers l’Europe. Mais personne n’est dupe. Toute cette agitation ressemble fortement à une manœuvre de brouillage, un écran de fumée dressé pour dissimuler les failles du système algérien aujourd’hui au bord de l’explosion. La manne pétrolière algérienne est certes considérable. Elle offre à ce système vieillissant de quoi (pétrodollars) se maintenir. Plus de 98 % des revenus du pays (chiffre de 2009) proviennent, en effet, des exportations de gaz et de pétrole et plus de 150 milliards de dollars de réserves de change ont été dégagés en 2010. Mais, c’est plus de 19 % de la population algérienne, soit près de 6 millions de personnes, qui se trouvent dans la pauvreté. Le taux de chômage oscille entre 22 % et 28 % et l’Algérie occupe, dans les indicateurs de développement humain, la 104e place sur 182. Comment donc expliquer ce «paradoxe algérien» : un pays riche et une population pauvre ?
La rente pétrolière constitue, en fait, la racine du mal algérien. Elle «a fait le bonheur d’une minorité et le désespoir de la majorité » et « l’absence de contrôle de la rente pétrolière a conduit à sa dilapidation », conclut un observateur (Cf. Luis Martinez, "Algérie : les illusions de la richesse pétrolière", septembre 2010, n°168 des Etudes du CERI). La bataille qui fait rage aujourd’hui à Alger pour le contrôle de l’Etat, et donc de la rente pétrolière, apporte chaque jour son lot de révélations sur la nature du régime en place. Deux quotidiens importants, Liberté et El Watan, fustigeant la décision de Bouteflika de briguer un 4° mandat, le désignent comme un "candidat par procuration" au "bilan politique désastreux" et à l’"état de santé incertain". L’un de ses anciens proches collaborateurs, Mouloud Hamrouche, va plus loin en affirmant que "Ce régime s’est effrité et va tomber » (Conférence de presse du 27 février). Cette phrase montre le degré d’âpreté du règlement de comptes entre oligarchies algériennes (clan du président, généraux, FLN…), dont le but ultime reste la conservation de privilèges politiques et financiers.
L’autre source de l’affaiblissement et de la « schizophrénie » qui touchent le régime d’Alger, réside dans le fait que le pays a énormément perdu de sa « superbe » sur le plan international. Le temps où Alger jouait un rôle actif et influent au sein de l’organisation des pays non-alignés, et dans la diplomatie mondiale, est révolu. La fin de la guerre froide a rendu insignifiant le rôle des pays satellites prosoviétiques et donc de l’Algérie. Pire, la politique Algérienne en Afrique, dictée par une stratégie expansionniste et par une volonté maladive d’y instaurer un leadership algérien, a atteint ses limites. Le « printemps arabe » est passé par là également. En provoquant la dislocation de deux régimes maghrébins (Tunisien et libyen), il a créé de nouveaux rapports de forces. Il a libéré l’Hydre (monstre de la mythologie grecque) en favorisant la prolifération de trafics de toute nature et en accentuant l’autonomisation de bandes armées qui sèment la désolation dans la zone sahélienne et saharienne. Alger n’a pu tirer de cette nouvelle donne géopolitique que des déceptions et des reculades. L’implication aux côtés des troupes de Kadhafi d’éléments du Polisario, son protégé, sa posture lors de la crise malienne, son rôle dans les conflits politiques ou ethniques qui frappent certains Etats africains, sont autant de « bavures » qui ont fini par épuiser le peu de crédibilité et d’influence qui lui restait.
2- Une volonté à toute épreuve
Dans le chao général que connait la région, le Maroc a su prendre toutes ses responsabilités et assumer son devoir. Il est aujourd’hui un acteur majeur de médiation, de stabilisation et de paix. Pour ce faire, il a pour lui la proximité géographique avec la terre africaine, mais aussi l’histoire et des liens religieux et culturels forts et ancestraux. En 1975, en libérant son Sahara et ses provinces du Sud, il a retrouvé son prolongement naturel et historique avec cette terre africaine, porteuse de potentialités et de ressources, qui n’aspire qu’à la stabilité, le progrès et la sécurité.
A l’évidence, cette dynamique et cette volonté de construction et de rapprochement, confirmées par les voyages du Souverain Chérifien en Afrique (septembre 2013 et février 2014), sont interprétées à Alger comme « une menace ». Alors que la politique africaine du Maroc est autrement plus réaliste et prospective. Il ne peut en être autrement. Le Maroc fait de la lutte contre le terrorisme dans la région sahélo-saharienne une priorité, et de la préservation de l’identité culturelle et cultuelle des peuples africains une condition de fond pour la promotion du progrès économique et humain. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il faut lire l’engagement (CF. Communiqué commun) du Souverain Chérifien et du chef de l’Etat malien, M. Ibrahim Boubacar Keita, à apporter le soutien nécessaire aux efforts visant à redynamiser la CEN-SAD. C’est pour favoriser l’épanouissement de l’homme africain, pour préserver sa dignité et sa liberté, que le Maroc a mis en place une véritable politique migratoire, saluée en Afrique et dans le reste du Monde comme exemplaire. Cette approche est affirmée par sa constitution (2011) qui consacre aux droits de l’Homme une place de choix et y apporte les garanties nécessaires à leur promotion.
La lutte contre l’extrémisme religieux s’impose aussi comme un axe central de l’œuvre marocaine en Afrique. Pays de 12 siècles d’histoire, dépositaire et garant d’un Islam d’ouverture et de tolérance, privilégiant la modération et le juste milieu, le Maroc s’est engagé, en vertu d’un accord signé entre Rabat et Bamako (septembre 2013) à former des imams maliens. Cet accord, qui est un honneur pour le pays, est au fond une reconnaissance incontestable de la qualité d’Amîr al-mou’minine du Souverain chérifien. Il en va de même des efforts du Maroc qui font de la sauvegarde de l’intégrité territoriale des Etats du Sahel un impératif, car point de prospérité économique dans cette région sans sécurité et stabilité politique. L’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la région, Romano Prodi, ne s’est d’ailleurs pas trompé lorsqu’il qualifia l’action du Maroc de « très importante et très utile pour la stabilisation de la région du Sahel ».
La stabilité c’est, au fond, ce qui fait la force du Maroc. Et c’est cette stabilité marocaine qui fait peur à Alger. Il n’est donc pas étonnant de voir ses services et ses pions s’acharner, à Paris ou ailleurs, contre les intérêts et les acquis du Maroc; la crise franco-marocaine étant la résultante de la dernière manœuvre en date.
3- La vigilance et la retenue s’imposent
Mis côte à côte, les faits et les déclarations injurieuses proférées à l’égard du Maroc ont produit une situation explosive dont l’onde de choc se manifesta rapidement au niveau des relations franco-marocaines. Mais, très vite, la ferme réaction de la diplomatie marocaine à Rabat et celle du représentant de SM le Roi à Paris, permirent de mettre les choses au clair. Les explications et les démentis (l’Ambassadeur français à New York) ne tardèrent pas à venir (Quai d’Orsay), mettant de fait à découvert les véritables instigateurs de la machination. Alger, le Polisario, A Haider, Javier Bardem, Kerry Kennedy et consorts, sont confondus et démasqués.
La question est : Que cherchait à obtenir cette clique de pyromanes en provoquant une tension diplomatique entre la France et le Maroc ? Quel est le but véritable de leur machination ? Plus de liberté et de dignité pour les séquestrés de Tindouf ? Absolument pas. Le provocateur Javier Bardem, peut-il montrer un seul document consacré au sort de milliers d’enfants sahraouis séparés de leurs familles et déportés à Cuba ? Bien sûr que non. Et Kerry Kennedy ? N’a-t-elle pas trouvé dans le « combat » qu’elle mène contre le Maroc une source intarissable de devises, prélevées sur les deniers du peuple algérien ?
Tels des pyromanes, Alger et ses pions ont surtout cherché, faute de mieux, à allumer le feu de la discorde entre deux Etats alliés, partenaires économiques et associés dans une lutte ouverte contre le terrorisme au Sahel. Ils ont tenté, en diffamant un diplomate français et en perturbant une réunion dans une enceinte diplomatique, de dresser un écran de fumée pour dissimuler ce qui se trame à Alger dans la perspective des présidentielles du 17 avril.
Lors de la projection, à Paris (Passy), de son film « Les Enfants des nuages », le propagandiste Javier Bardem n’a fait que relayer la thèse algérienne et les idées séparatistes du Polisario. Et c’est d’abord la position de la France, favorable au Maroc, et le « silence » des médias et des élites françaises qui ont été dénoncés et vilipendés par Bardem et A. Haider, lors de la conférence de presse organisée le même jour dans un hôtel parisien. Un appel fut même lancé à l’adresse de la télévision française et des distributeurs pour favoriser la diffusion de ce film de pure propagande. La plainte déposée contre un fonctionnaire marocain, au nom d’une association, n’est, en fait, qu’un ingrédient de cette même tactique de l’écran de fumée mise au service d’une supercherie politique et intellectuelle. Il en va de même de la déclaration attribuée à un diplomate français, par le même Bardem.
La sagesse chinoise nous enseigne que lorsque qu’une tempête est à son comble, le mieux à faire c’est de se plier et la laisser passer. Les ennemis de l’intégrité territoriale marocaine sont les seuls à se réjouir aujourd’hui de la crise franco-marocaine. Ils comptent les coups et en préparent déjà d’autres, plus vils. La vigilance et la prudence s’imposent donc. Il ne faut surtout pas tomber dans le piège tendu. Bien au contraire, il faut tout faire pour éviter tout ce qui peut, de près ou de loin, porter atteinte à l’amitié franco-marocaine et nuire à l’entente entre les deux Etats.
Le Maroc ne peut-être réellement affecté par cette machination «algéro-polisarienne ». Il a pour lui l’histoire, la justice, le droit et le soutien international. Sa dynamique de réforme, sa stabilité politique, la crédibilité dont il jouit en Afrique, et en occident, sont autant d’atouts qui le mettent à l’abri de telles manœuvres de basses besognes et de viles accusations qui fondront demain aussi vite que fond neige au soleil.