De plus en plus de bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques disponibles, parce que ces médicaments sont trop ou mal utilisés. Par ailleurs, les nouveaux antibiotiques mis sur le marché sont rares. Alors qu’apparaissent déjà des cas d’impasses thérapeutiques, c’est-à-dire des infections intraitables conduisant à l’amputation voire au décès des patients, on risque un jour de se retrouver dans la situation qui présidait avant l’arrivée de ces "médicaments miracles" (découverte de la pénicilline en 1928 et utilisation à partir de la seconde guerre mondiale), explique le CAS.
L’une des propositions du CAS est de renforcer la recherche sur les bactériophages qui sont littéralement des mangeurs de bactéries. Ces virus sont "omniprésents dans notre environnement (y compris dans notre intestin)" et il en existe une "grande diversité". Les antibiotiques sont pour leur part des molécules chimiques, d’origine naturelle ou synthétique, qui tuent les bactéries d’une autre manière. Les bactériophages sont par ailleurs caractérisés par "une très grande spécificité", c’est-à-dire qu’ils ciblent une bactérie pathogène responsable d’une infection sans tuer les bonnes bactéries au contraire des antibiotiques qui ont un large spectre.
Certains patients se rendent dans les pays de l’ex-URSS
La phagothérapie a été utilisée pour la première fois en France en 1919 pour traiter des infections bactériennes, précise le CAS. Mais ce type de traitement y a été abandonné, de même qu’en Europe de l’Ouest, en raison d’une part de "l’avènement des antibiotiques" et d’autre part d’une "controverse" sur son efficacité (manque de connaissances scientifiques, produits de mauvaise qualité, indications inadaptées). La phagothérapie n’a cependant jamais cessé d’être utilisée dans des pays de l’Europe de l’Est et de l’ex-URSS, où certains patients occidentaux se rendent actuellement. Dans les pays occidentaux et en particulier en France, des médecins y ont recours "ponctuellement dans des cas d’impasses thérapeutiques", selon le CAS, mais sous leur responsabilité car ces traitements n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM).
Trois études chez l’homme menées aux Etats-Unis, en Belgique et au Royaume-Uni ont montré que ces traitements étaient "efficaces et sans danger". Pour confirmer les résultats de ces études et préciser le champ d’application de la phagothérapie, il faudrait financer en France des essais cliniques solides, demande le CAS. Le centre préconise aussi de "clarifier le statut réglementaire de la phagothérapie". Les phages sont des entités "difficilement brevetables" qui pour le moment n’intéressent pas les grands groupes pharmaceutiques et ils ne sont pas adaptés aux procédures d’homologation actuelles des médicaments inertes et fixes "longues et coûteuses".
Des efforts à faire en médecine vétérinaire
Le CAS fait d’autres propositions pour tenter de faire face à l’émergence de l’antibiorésistance, en demandant de mettre en place des mesures pour rationaliser la consommation d’antibiotiques en médecine de ville mais également chez l’animal. Dans le domaine vétérinaire, la France est "le deuxième consommateur européen d’antibiotiques en tonnage absolu (1.011 tonnes en 2010, soit environ deux fois plus que chez l’humain)" et le sixième en quantité ramenée par animal. Il faut donc "réduire drastiquement la consommation d’antibiotiques critiques pour l’homme chez l’animal, soit par des engagements volontaires de l’ensemble des filières, soit par des interdictions réglementaires", demande le CAS. Il cite en exemple l’initiative "cartons jaunes et cartons rouges" mise en place au Danemark dans les élevages de porc et qui a permis de réduire la consommation d’antibiotiques. La France a prononcé un moratoire en 2011 dans la filière porcine pour une classe d’antibiotiques, les céphalosporines.
Des chercheurs français réclament symboliquement depuis quelques mois que les antibiotiques puissent être inscrits au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco afin qu’ils puissent être protégés, comme l’a relayé mardi le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l’Institut de veille sanitaire (InVS).