André Azoulay : « A Essaouira, nous refusons d’être amnésiques et on résiste au vertige et au confort de l’oubli »
Dans cet engagement permanent et sans faille, "nous avons décidé non seulement de rester fidèle à ce que cette ville nous a donné et nous a appris, mais de faire en sorte que cette résistance à l’amnésie ne soit pas simplement une posture", a précisé M. Azoulay, qui s’exprimait lors d’un Colloque autour du thème "L’école d’Essaouira, l’importance du lieu, l’importance du lien", s’intégrant dans le cadre de la 14è édition du Festival des Andalousies Atlantiques (26-29 octobre).
"On veut se rappeler pour construire et écrire une autre histoire dans la relation entre Islam et Judaïsme", a-t-il ajouté, notant que "la ville d’Essaouira a été toujours +le navire amiral+ de cette résistance et aussi un véritable espace vivant".
"Essaouira devra continuer à allumer cette petite flamme car, on a été des acteurs déterminants dans ce réveil et cette prise de conscience", a estimé M. Azoulay, pour qui la cité des Alizés a une responsabilité dans la mesure où, il n’existe nulle part ailleurs un autre espace urbain où "Islam et judaïsme ont eu la proximité dans la durée, le partage avec des heures glorieuses, avec des heures difficiles, avec des pages magnifiques dans ce livre d’histoire, mais aussi des pages noires".
"Nous nous sentons suffisamment préparés et capables d’assumer les pages heureuses, et de ne laisser à personne le soin de nous dire les pages difficiles ou les pages noires", a-t-il fait observer.
Nous avons "une raison depuis toujours de rester fidèle à ce que nos aïeux nous ont dit, nous ont laissé et à ce monde que nous voulons laisser à nos enfants", a-t-il relevé.
M. Azoulay a fait remarquer également qu’il ne s’agit pas d’évoquer l’histoire pour rappeler le passé. Au Maroc, "nous sommes dans une dynamique. J’écris mon histoire de Marocain, l’histoire de mon pays, je l’écris toujours au futur parce que j’ai, comme chacun d’entre vous, Juif ou Musulman, de grandes ambitions et de grands espoirs pour notre pays, et un optimisme enraciné justement dans cette civilisation marocaine riche", a-t-il dit.
"En tant que juif marocain, je suis âgé d’encore plus de 3.000 ans. Il s’agit, certes, d’un privilège de s’inscrire dans une civilisation trois fois millénaire, mais c’est aussi une responsabilité de dire aujourd’hui, qu’entre vents et marrées, l’Islam et le Judaïsme ont à reprendre possession de leur histoire complète, non pas pour dire que tout a été beau et tout a été magnifique, mais pour dire que cela a existé sur des siècles et que nous résistons au vertige des difficultés et des aléas de l’instant", a-t-il expliqué.
Tout en s’attardant sur cette capillarité judéo-musulmane exceptionnelle et singulière, M. Azoulay, a invité tout un chacun à visiter la Cité des Alizés et à se rendre dans les lieux du patrimoine judaïque en cours de restauration. A ce titre, il a fait référence à la Synagogue Simon Attia, dont les travaux prendront fin dans quelques semaines, ainsi que l’entrée en fonction prochaine dans l’étage qui était le siège du tribunal rabbinique d’Essaouira, du Centre International de recherches Haïm Zafrani, fils d’Essaouira et l’un des plus grands sociologues, politologues et anthropologues du judaïsme au Maroc et au Maghreb.
Et de souligner que cette initiative émane de notre attachement aux valeurs de tolérance et du vivre-ensemble et aussi de notre souci permanent de "résister à tous ceux qui veulent nous entraîner dans une dynamique et une logique de confrontation, du déni ou de la fracture qui, à Essaouira depuis les origines, nous est étrangère".
Pour M. Azoulay, Essaouira est, en toute lucidité, un lieu d’exception. "Je dis que nos vieilles pierres qui sont toujours si belles, sont porteuses de grandes histoires et nous les protégeons pas seulement, parce que c’est esthétique, mais parce qu’elles savent, elles aussi, nous raconter et nous dire des choses, et je suis sûr qu’elles interpellent ceux qui viennent ici pour la première fois", a-t-il dit.
En tout cas, dans la Cité des Alizés et chaque fois que l’occasion se présente, nous réitérerons toujours ce discours du Maroc, celui de la diversité et de la dignité pour tous, a souligné M. Azoulay.
"On ne demande à personne d’adhérer à une pensée unique, chacun ici a ses positions, a sa sensibilité et on les respecte mais, à Essaouira on peut être dans la diversité y compris intellectuelle, philosophique et politique, et respecter l’autre", s’est-il félicité.
Tout en déplorant cette longue liste "des rendez-vous manqués" et "des opportunités ratées" pour la paix, avec toute "cette blessure douloureuse souvent provoquée", M. Azoulay, a fait part de l’engagement pris à Essaouira et au Maroc, d’apporter plus d’adhésion, de compréhension, et de mobilisation pour la dignité, la justice et la paix.
Dans ce contexte, le président-fondateur de l’Association Essaouira-Mogador, a tenu à signaler qu’ "il n’y a pas de dignité à double vitesse et de liberté à double standard". "La paix c’est aussi, la dignité pour le peuple palestinien et la paix et la liberté des Palestiniens doivent être égales à celles des Israéliens", a-t-il précisé.
Il a, par ailleurs, relevé que le Festival des Andalousies Atlantiques, dans sa nouvelle édition, constitue un moment historique dans la mesure où, il réunit, pour la première fois, plus de 300 juifs originaires d’Essaouira, venus de différents cieux.
"Depuis 50 ans, la ville n’a jamais connu la présence de tant de ses fils qui étaient partis. C’est un moment d’histoire qui va droit au cœur des Souiris, un moment de la grande joie, et de la retrouvaille sereine, apaisée et lucide", s’est félicité M. André Azoulay.
Atlasinfo avce MAP