Pandémie, chaos économique et humanité en détresse, l’année 2020 n’a vraisemblablement rien épargné, encore moins la situation climatique qui, selon une nouvelle étude, devient de plus en plus désastreuse notamment en raison des émissions de méthane.
Publiée dans la revue pluridisciplinaire « Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America », l’étude fait état d’une augmentation des émissions de méthane, « potentiellement en quantités beaucoup plus élevées » que la normale et provenant d’une source inhabituelle, soit le dégel des formations rocheuses dans le pergélisol arctique. Ces émissions de méthane, gaz dont l’effet de serre peut être jusqu’à 25 fois plus puissant que le dioxyde de carbone, ont été déclenchées en raison de la canicule de 2020, qui a entraîné le dégel du calcaire préhistorique situé dans deux régions s’étendant sur plus de 600 kilomètres, selon les trois coauteurs de l’étude.
Pendant des années, les scientifiques ont mis en garde contre la libération potentiellement catastrophique de méthane provenant du dégel des zones humides du pergélisol de Sibérie, un phénomène alarmant également appelé « la bombe au méthane ». Ce dont ils s’attendaient le moins, c’était l’effet encore plus dévastateur du dégel du calcaire ou de la roche carbonatée.
La différence est que le dégel des zones humides libère du méthane « microbien » provenant de la décomposition du sol et de la matière organique, tandis que le dégel du calcaire libère des hydrocarbures et des hydrates de gaz issus des réservoirs situés à la fois sous et au sein du pergélisol, ce qui le rend « beaucoup plus dangereux » que ce qui avait été établi par des études antérieures.
Enseignant à l’Institut des Géosciences de l’Université de Bonn et coauteur de l’étude, le professeur Nikolaus Froitzheim a mesuré avec ses deux collègues des concentrations conséquentes de méthane sur deux vastes zones de calcaire, s’étendant sur plusieurs kilomètres dans la péninsule de Taïmyr et la région autour du nord de la Sibérie.
Durant la vague de chaleur de 2020, la température a grimpé de 10,8 degrés Fahrenheit au-dessus des normes de 1979-2000 dans ces étendues, où il n’y a pratiquement pas de sol et où la végétation se fait rare, exposant ainsi le calcaire qui, au fur et à mesure du réchauffement des formations rocheuses, a libéré du méthane, piégé à l’intérieur des fissures et des poches jusque-là fermées. Les concentrations de méthane ont été élevées d’environ 5%, selon Froitzheim.
D’autres tests ont révélé que la tendance haussière de la concentration de méthane a persisté jusqu’au printemps 2021 et ce, malgré le retour des basses températures et de la neige dans la région. En examinant les émissions de méthane, Froitzheim et les deux coauteurs de l’étude, Jaroslaw Majka et Dmitry Zastrozhnov, s’attendaient à une augmentation du gaz dans les zones humides, mais certainement pas au niveau des affleurements calcaires, où il y a très peu de terre. Selon la U.S. Geological Survey, les carbonates dans ces affleurements remontent à 541 millions d’années à l’ère paléozoïque.
Normalement, le pergélisol gelé agit comme un bouchon, scellant le méthane en dessous. Il peut aussi emprisonner les hydrates de gaz, de solides cristallins d’eau gelée, contenant d’énormes quantités de méthane. Instables à une pression et à des températures normales au niveau de la mer, les hydrates de gaz peuvent être dangereusement explosifs lors des vagues de chaleur.
En outre, l’étude a souligné que les hydrates de gaz dans le pergélisol de la Terre contiennent quelque 20 gigatonnes de carbone, selon les estimations, soit un petit pourcentage de tout le carbone piégé dans le pergélisol. Néanmoins, le réchauffement constant des hydrates de gaz pourrait provoquer des émissions alarmantes et rapides de méthane des affleurements rocheux.
Autre nouvelle désastreuse, selon Polar Portal, portail électronique où les instituts de recherche danois sur l’Arctique présentent des informations sur la glace, une « fonte massive » a eu lieu la semaine dernière, engendrant une quantité qui aurait été suffisamment importante pour couvrir l’ensemble de Floride de 5 cm d’eau. Par ailleurs, les plus grandes sources des émissions de méthane dans le monde demeurent l’agriculture et les fuites émanant des opérations pétrolières et gazières qui engendrent des événements déplorables, tels l’incendie déclenché en juillet dernier en plein milieu des eaux du Golfe du Mexique. Coïncidences ou signes avant-coureurs d’une réalité que nul n’est prêt à accepter ? A méditer.