Russie: des centaines de manifestants arrêtés un jour de vote
Des centaines de personnes ont été arrêtées dimanche en Russie lors de manifestations contre l’impopulaire réforme des retraites, au moment où le pays se rendait aux urnes pour des élections locales et régionales, dont celle du maire de Moscou.
Ces manifestations dans tout le pays, dont la majorité avaient été interdites par les autorités, se sont déroulées à l’appel du principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, qui purge une peine de 30 jours de prison pour des actions de protestation organisées en janvier.
Des dizaines de ses partisans ont été arrêtés par la police ces derniers jours, tandis que l’entreprise américaine Google avait retiré samedi sur YouTube, sous la pression de Moscou, des appels à manifester postés par son équipe, au motif, selon les autorités russes, qu’ils enfreignaient le silence électoral obligatoire avant un scrutin.
A Moscou, au moins 2.000 personnes se sont rassemblées sous haute surveillance policière sur la place Pouchkine, dans le centre de la capitale russe, aux cris de "Poutine est un voleur !" et "A bas le tsar !", selon des journalistes de l’AFP sur place. A Saint-Pétersbourg, un millier de personnes sont sorties dans les rues, scandant "Honte !".
"Le pouvoir a tout pris jusqu’à la dernière miette. Ma mère, mon mari vont travailler plus longtemps. C’est la goutte de trop, on ne peut plus tenir", a déclaré à l’AFP Tatiana Rechetskaïa, une manifestante moscovite de 21 ans.
"On dépense de l’argent pour l’armée en Syrie, en Ukraine, pour les amis du président, mais rien pour les retraités", a fustigé Olga Tchenouchka, une employée de 44 ans.
Les autorités russes sont confrontées depuis plusieurs mois à une fronde inhabituelle face au projet du gouvernement d’augmenter l’âge de départ à la retraite, qui était resté inchangé depuis près de 90 ans dans un pays où l’espérance de vie reste à la peine, surtout pour les hommes.
Le président Vladimir Poutine, qui s’était dans un premier temps distancé du projet, l’a finalement endossé, proposant fin août un assouplissement de la réforme. Son annonce mi-juin, le jour du lancement de la Coupe du monde de football en Russie, avait provoqué une chute de sa cote de popularité.
Participation en berne
Ces manifestations se sont déroulées au moment où les Russes votaient pour des élections qui concernent des postes de gouverneurs, de députés locaux et d’autres responsables dans diverses régions.
L’élection à Moscou, le scrutin le plus symbolique, devrait sans surprise voir la réélection du maire, Sergueï Sobianine, faute d’opposition réelle et fort du soutien du Kremlin et du parti au pouvoir, Russie Unie.
Faute de suspense, le véritable indicateur du scrutin sera la participation, les autorités municipales ayant multiplié les mesures pour inciter les habitants à se rendre aux urnes.
Le taux de participation à Moscou, où les bureaux de vote devaient fermer à 19H00 GMT, s’élevait à 28 % deux heures avant la clôture du scrutin, selon la Commission électorale.
Les résultats définitifs sont attendus lundi dans la matinée.
Propulsé en 2010 par le Kremlin à la tête de la mégapole de plus de 12 millions d’habitants, M. Sobianine, 60 ans, peut se vanter d’avoir changé pour le mieux le visage de Moscou, grâce à de coûteux et titanesques projets d’urbanisme.
Mais pour les opposants du maire actuel, la multiplication des zones piétonnières, l’ouverture de stations de métro ou d’un nouveau parc dans le centre de Moscou ne sont qu’une façade destinée à une classe moyenne qui, durant l’hiver 2011-2012, avait manifesté contre le retour au Kremlin de Vladimir Poutine.
Lors des dernières municipales il y a cinq ans à Moscou, Alexeï Navalny avait failli contraindre Sergueï Sobianine à un second tour. Pour éviter la répétition d’un tel scénario, seuls les membres de l’opposition "tolérée", communistes ou nationalistes, ont cette fois pu déposer leur candidature.
Ainsi, le conseiller municipal d’opposition Ilia Iachine, ancien proche de l’opposant assassiné Boris Nemtsov, l’ancien député d’opposition Dmitri Goudkov et le militant gay Anton Krassovski n’ont pu se présenter, faute de respecter des exigences durcies depuis la précédente élection.