Naissance d’une biennale d’art contemporain à Cotonou
Essoufflée, la Biennale de Dakar peine à faire émerger de nouveaux talents. C’est pourquoi Cotonou, la capitale économique du Bénin, tente aujourd’hui de prendre le relais.
Regard Bénin 1.0 a été inauguré en juin et se tiendra jusqu’à la fin du mois d’août. Culturesfrance, opérateur délégué des ministères des affaires étrangères et de la culture pour les échanges culturels internationaux, en est l’un des principaux subsides et l’un des initiateurs. Une biennale ? Vu la modestie de l’événement, il faudrait plutôt parler d’une multitude d’expositions, dans les centres d’art de Cotonou, mais aussi dans de nombreux ateliers d’artistes, jusqu’aux palais royaux d’Abomey, ancienne capitale.
Ou bien encore deux expositions de Dominique Zinkpe qui l’imposent comme un grand peintre, sorte de Basquiat africain. "Grâce à cet événement, explique Rémi Secret, directeur du Centre culturel français de Cotonou, une vraie solidarité s’est mise en place entre les artistes, alors que d’habitude ils sont plutôt dans la lutte, leurs conditions de vie étant très dures."
Le Bénin a plus d’un atout dans son sac pour lancer un tel projet : de grands artistes reconnus à l’international, comme Zinkpe ou Georges Adéagbo, remarqué à la Documenta de Kassel de 2002. Adéagbo accueille dans son paradisiaque atelier une belle exposition. Ces artistes prennent souvent leur destin en main, en montant des lieux collectifs (comme le dit l’un des plus téméraires d’entre eux, Chief, "le sous-développement, c’est dans la tête").
Le Bénin bénéficie aussi d’un ministre de la culture, Galiou Soglo, aussi dynamique que looké (il a changé quatre fois de costume le jour de l’inauguration). Pragmatique, M. Soglo est conscient de l’enjeu d’une biennale, même s’il sait que ce pays touché par la crise et hautement dépendant de l’économie nigériane, dont Cotonou est un grand port de transit, ne peut faire de la culture une priorité : "Culture et patrimoine sont notre première richesse, il faut que les enfants les redécouvrent. Des milliers d’emploi sont aussi à la clé : nous attendons l’arrivée d’un nouveau tourisme plus intello, plus engagé." Pour l’instant, la culture bénéficie de 0,3 % du budget national. Un chiffre que M. Soglo rêve de voir à la hausse.
Mais l’atout essentiel de Cotonou est peut-être une fondation privée, lancée en 2005 par la jeune Marie-Cécile Zinsou, petite-fille de l’un des anciens présidents, Emile-Derlin Zinsou, contraint à l’exil après un coup d’Etat en décembre 1969. L’espace climatisé de 3 000 m2 de la fondation, mis aux normes internationales, est digne des grandes capitales. Dans un pays dépourvu de musées d’art contemporain, la fondation offre ses cimaises au meilleur de la création africaine et internationale.
L’exposition Malick Sidibé, en partie en extérieur, a été vue par 1,2 million de curieux. "La culture est une manière de montrer l’excellence de l’Afrique, estime Marie-Cécile Zinsou, alors qu’on a tendance à être partout les derniers du classement. Quand Pinault vient ici, il reconnaît des artistes de sa collection. C’est formidable de voir nos plasticiens à Kassel ou à Düsseldorf, mais il faut aussi que les jeunes puissent les admirer ici. 85 % de nos visiteurs ont moins de 20 ans."
Fréquentée par 62 000 personnes, l’exposition consacrée en 2007 à Basquiat a été fondatrice pour beaucoup d’artistes. "Elle m’a complètement tourné la tête, avoue Rafiy, jeune peintre autodidacte. Avant, j’étais timide dans mon travail, aujourd’hui j’ose." A Regard Bénin 1.0 d’avoir le même effet sur la création béninoise.
——————————————————————————–
Regard Bénin 1.0. Biennale d’art contemporain organisée dans plusieurs lieux de Cotonou et des environs. Jusqu’au 30 août. Regardbenin.org.